• Mercredi 2 octobre - Tamri -> Agadir (83 km) 

    Direction Agadir puis le Sud du Maroc

    Pour me remonter le moral, je fait des blagues aux Marocains qui me regardent médusés

    Aujourd’hui, petite étape. Beaucoup de montées, très beaux paysages avec des agreniers très gros, pleins de chèvres de partout sur les branches. Ces arbres, d’un vert foncé très foncé ressortent énormément sur le sol désertique de terre rouge. De beaux petits villages très propres dans le style de celui où j’ai passé la nuit.

    Il fait très très chaud. En fin de matinée, changement de décor : des déserts pleins de cactus et petits épineux et de temps en temps des vues superbes sur la mer, ses criques et des immenses plages nues en contrebas. Par cette chaleur, ça ne me remonte pas le moral. Enfin, une superbe descente de six kilomètres. Depuis le temps que je montais, ça devait bien arriver ! Je laisse Bamako se lancer à fond et j’absorbe le maximum d’air iodé pour évacuer les gaz d’échappement des camions mal réglés qui me doublaient à bout de force dans les côtes. Avant Agadir, de nouvelles montées m’achèvent. Heureusement que le paysage est très beau. J’arrive dans cette grande ville à touristes qui ne m’enchantent pas du tout. Mais tant pis, aujourd’hui je vais être raisonnable et rester ici.

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     Oasis route d'Agadir

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    C'est bon pour le moral

     Jeudi 3 octobre - Agadir -> Tiznit (96 Km) 

     

    Départ en ligne droite. Sortie des hôtels mirobolants et des golfs qui font croire qu’Agadir est un paradis. Ce sont des amas de bidonvilles et de terrains vagues transformés en décharges ; rien à voir avec le paysage des jours passés ; route très monotone où je deviens une machine à pédaler et où il ne faut pas regarder loin devant pour ne pas prendre un coup au moral. De temps en temps, des marocains à vélo ou mobs m’accompagnent un instant pour me questionner ou me raconter leur vie : l’un me dit qu’il a un frère à Rouen et l’autre à Caen et me demande si je ne le connais pas ! A midi, c’est la canicule. je mouille régulièrement ma casquette pour me rafraîchir. Énormément de mouches m’agacent, elles sont très agressives. Normal, les Marocains les élèvent. C’est impressionnant les boucheries à ciel ouvert où d’énormes quartiers de viande sont accrochés en plein air à la merci des insectes. L’autre jour, j’ai remarqué une boucherie fermée pendant le week-end, avec toute la viande à l’intérieur qui attendait l’ouverture. Très peu de choses sont mises au frais. Même les yaourts ne sont pas au frigo. Soixante bornes de bouclées et les villages se font de plus en plus rares. La zone désertique commence et il me va falloir anticiper les ravitaillements. Je sens que les prochains kilomètres vont être très longs. Heureusement que de temps en temps une situation comique casse un peu la monotonie. Cette après midi, chaleur de plus en plus torride et 50 kilomètres sans voir un seul village. J’ai trop mal aux fesses : avec la graisse que j’ai perdue, je n’ai plus d’amortisseurs à cet endroit là. Je suis obligé de m’arrêter tous les 10 kilomètres, j’ai l’impression de ne plus avancer. J’arrive enfin à Tiznit. Super : au camping, deux vélos chargés tel Bamako mais les propriétaires sont sortis. Savoir si ce sont des français… Avec eux, nous sommes trois en tout dans le camping. Je vais me ravitailler en ville et au retour je trouve les vététistes. C’est un couple d’Autrichiens qui font le tour du Maroc. Nous ne pourrons pas rouler ensemble. Trop fatigué, je ne monte pas la tente. Il fait trop chaud. Il y a des espèces de blocos en béton, ils appellent ça des bungalows. Je mets mon matelas à même le sol et je dors ici. En pleine nuit, je sens quelque chose me butiner les lèvres. J’éclaire ma lampe frontale : cauchemar…un énorme cafard ! Ces insectes répugnants sont comme les araignées : dès qu’ils se sentent en danger, ils s’échappent très vite. Je n’arrive donc pas à l’exterminer. Du coup, je ne ferme pas l’œil. J’apprendrai, au fil des jours, que finalement on s’y habitue bien à toutes ces petites bêtes. De toute façon, on n’a pas le choix : ça fait partie du décor.

    Vendredi 4 octobre - Tiznit -> Guelmin (75 Km + 45 Km en taxi-brousse) 

     

    « Journée de cafard ».

    Départ de bonne heure avant les grosses chaleurs pour attaquer le désert Marocain. Immense ligne droite tracée au cordeau. Et là, après le départ, une énorme tempête de vent se lève. Impossible de rouler. A chaque passage de camions, ça nous envoie sur le bas côté ou au milieu de la route. Nous doublons péniblement un âne avec sa charrette. Je le retrouve 10 kilomètres plus loin, il va aussi vite que moi. De temps en temps, je suis forcé de marcher en poussant Bamako. Sur ma monture, j’avance à 7 Km heure et à pied à 4 Km heure ; très peu de différence. Un instant plus tard, impossible de pédaler. Même les gars en mobs marchent. Et, pour finir le plat, une montée très abrupte avec le sommet à 1020 mètres et une chaleur de 40 degrés. Au total, j’ai fait 20 kilomètres à pieds. Je suis HS. Un jeune d’une vingtaine d’années m’accompagne quelques kilomètres avec un vieux vélo. Nous nous arrêtons à l’ombre d’un arbre (agrenier) : il n’y a que ça qui arrive à survivre ici et nous discutons. Il me parle de la pauvreté ici. Lui n’a pas de travail ; ses parents ont une ferme mais avec la sécheresse qui subsiste depuis plusieurs années, ça n’arrange pas les choses. Je lui montre des photos de France. C’est le paradis à ses yeux. Nous nous reposons et il prend une petite piste en plein désert de cailloux pour rejoindre très loin son village. Moi je souffle un peu car dans la montée je n’ai jamais autant respiré de gaz carbonique par les camions surchargés qui montent à bout de souffle et dégagent une fumée noirâtre, en perdant souvent de l’huile ou de l’eau. De temps en temps, ils sont arrêtés au bord de la route, le capot ouvert. Les cars, eux, ont trouvé la solution : ils l’ont supprimé carrément comme ça le moteur est à l’air libre. A 14 heures, je n’ai effectué que 45 kilomètres. Je rêve d’un coca frais. Miracle, je trouve un espèce de café en tôle. Il m’en sort un du frigo, il est tout chaud. Normal, il tourne avec des groupes électrogènes qu’ils mettent uniquement de temps en temps. Je reprends la route et, en fin d’après midi, récompense : une superbe descente, avec un très beau paysage de montagnes désertiques. Je laisse aller Bamako à sa guise pendant 6 kilomètres, sans freiner, virage à la corde, ça guidonne pas mal. Les routiers que je croise me font signe en rigolant. A la tombée de la nuit, j’arrive dans une ville située à 40 kilomètres de Guelmin, avec une concentration de population incroyable. Des gamins comme des mouches autour de nous. On m’agresse verbalement, on essaie de me piquer mes affaires, jamais je n’avais encore vu ça. Je n’ai vraiment pas envie de rester ici et je n’aurai pas le temps de rejoindre la prochaine ville avant la nuit. Je prends un taxi brousse pour 20 Dirhams (moins de deux euros) et c’est parti, Bamako attaché sur le toit avec une vieille ficelle !

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    Le chauffeur de taxi attend que le taxi soit plein (sept personnes) avant de partir et pendant ce temps, les gamins autour de celui-ci ne nous foutent pas la paix, vivement le départ. C’est parti. En route, je discute avec un jeune Marocain très sympa. A l’arrivée, ça y est, des rabatteurs de partout. « Bonjour Msieur, vous cherchez un hôtel, je suis le cousin à celui à qui vous discutiez dans le taxi…je vais vous aider à tenir le vélo…etc. ». Je lui réponds, c’est bon, je connais les Marocains et je me débrouille seul. Il me dit moi, je ne fais pas ça pour l’argent, par contre, si tu veux du shit ou de l’alcool, je peux t’en avoir. Il ne me lâche pas la grappe. Il m’accompagne à l’hôtel. Je l’avertis qu’il n’aura rien. Il rentre, dit à un gamin de surveiller Bamako et, comme chez lui, monte avec le gars pour faire visiter les chambres. Au bout d’un moment, je pète les plombs et je l’envoie balader. Je lui fais comprendre que je me passe de ses services. Il part mauvais et revient avec un moustachu. Il me dit, c’est le patron de l’établissement et je suis son frère (comme par hasard). Je lui réponds « tu n’as pas de chance, je connais le patron car je fais partie de l’équipe du guide du routard ». Alors, furieux, il me lance que je suis raciste…etc. Autre problème : dans la cohue, à la descente du taxi, j’ai oublié le rétro de Bamako dans celui-ci. Je suis dégoûté car il m’a sauvé la vie et il m’est plus qu’indispensable ici. Le pot de colle se propose d’aller jusqu’à la gare routière en mobylette, pour voir si le chauffeur était encore là. Comme par hasard, il n’y était plus. Il me propose d’y retourner le lendemain à huit heures avec lui. Je lui répète que je me débrouillerai seul. De toute façon, dans la confusion, je me demande si on ne me l’a pas volé. Et puis ça c’est mal passé avec le chauffeur qui me demandait à l’arrivée le double du prix qu’il m’avait annoncé, à cause de Bamako. Alors, s’il le trouve le rétro, il ne va certainement pas me le mettre de côté. A l’hôtel, on me propose de mettre Bamako dans un WC qui n’est plus utilisé mais d’une puanteur indescriptible. Bamako refuse alors il lui trouve une place à l’arrière de la cuisine. Je ne vous explique pas la crasse qui règne ici, je suis écœuré. Je monte à la chambre, une blatte sur la porte. Je l’écrase, je vais à la douche : une autre ! Je retourne dans la chambre, encore une sous la couverture. Je tire le lit, il y en a partout, la chambre est sale. A deux heures du matin, je tue encore des bestioles car je n’arrive pas à dormir. Il fait une chaleur inimaginable, il n’y a pas de fenêtres. Bonjour la nuit blanche. Pour me rassurer et essayer de m’assoupir un peu, je me pulvérise du répulsif insecte.

    Samedi 5 octobre - Guelmin -> direction Tan-Tan (100 Km) 

    Chasse au rétroviseur.

    Moi qui pensais passer une paire de jours à Guelmin pour me reposer, je fuis la ville comme je suis venu. Je n’ai rien dormi alors je quitte l’hôtel à sept heures. un gamin vient encore me chiner des Dirhams, sous prétexte qu’il avait surveillé Bamako toute la nuit (ils ne perdent pas le nord !!). Je ne lui réponds même pas et je m’échappe. Comme il est tôt, je tente le coup de me rendre à la gare routière pour récupérer mon rétro au cas où mon taxi d’hier soir aurait passé la nuit là bas. Mais chercher un taxi au milieu de taxis identiques, autant chercher une aiguille dans une botte de foin. Je m’y rends quand même, mais sans conviction. Je demande à un chauffeur mais très peu parlent français. Ici, dans le sud, ce sont de vrais Arabes, tous ont la djellaba et chèche autour de la tête. Les femmes sont aussi drapées de vêtements aux couleurs très vives. Un autre chauffeur sympa me demande de quelle ville venait le taxi et il va aux renseignements. Il m’affirme qu’il n’y a que quatre 504 qui viennent de là bas et il me dit d’attendre une demi-heure car le propriétaire va certainement revenir. J’ai déjà perdu beaucoup de temps et j’ai envie de partir car je n’y crois pas du tout, et puis tant pis. Comme je n’ai pas pris de petit déjeuner, je vais acheter un jus d’oranges ainsi que mon eau et ma nourriture pour la journée. J’y retourne après et redemande. Un gars me demande le signalement de mon conducteur et puis, au bout d’un moment, il me dit « ça ne serait pas cette voiture là bas ? ». Il me montre une 504 pourrie mais elles se ressemblent toutes , je m’approche. Le chauffeur n’y est pas alors je regarde sur la banquette arrière. Miracle ! Mon rétro ! Il n’a pas bougé de place et le type n’a pas du le voir. J’essaie alors d’ouvrir les portes…fermées. Je tente le coffre, super, il est ouvert ! Je récupère l’objet miraculé et pars vite avant que le propriétaire ne revienne.

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    C’est parti et on passe vraiment les portes du désert, une ligne droite sans fin et, de chaque côté, désert de cailloux et herbes à chameaux. J’ai pris dix litres d’eau au cas où ce soir je n’arriverais pas jusqu’à la ville de Tan-Tan. Très vite, une chaleur accablante, aux alentours de 40 degrés, avec un vent chaud de travers qui vous dessèche. Je mouille ma casquette qui sèche à mesure alors, je prends l’éponge destinée à la vaisselle, je l’imbibe et je la mets dessous ! Ça me tient la tête au frais un peu plus longtemps ! De temps en temps, des camions surchargés me doublent et me font signe sauf les campings cars Français. Ils doivent avoir peur que je leur demande un service. On se sent vraiment tout petit au milieu de cette immensité. On ne sait jamais quand on va trouver une maison, un village, un signe de vie. Il s’est passé 70 kilomètres avant le premier village et il y a un café, je n’y crois pas ! J’ai bu de l’eau bouillante tout le long alors pour moi c’est comme un mirage. Je demande un grand coca cola d’un litre. Malheureusement, il n’est pas frais. Tant pis, ça change de l’eau. Dehors, un routier assis à l’ombre de son camion et qui me voit fatigué m’offre le thé. C’est la troisième fois depuis hier qu’on m’invite ! Quelques heures après, mort de chaleur, je m’arrête à nouveau au bord de la route, dans une autre cabane marquée café, pour manger. Seul un marocain est à une petite table. Il vient me discuter en insistant qu’ici, ils étaient Arabes et non Berbères, ne surtout pas confondre. Il m’a dit qu’il aimait beaucoup Chirac et me fait une leçon sur les Arabes, que ce sont des gens droits…etc. Il me présente ensuite le patron, un grand homme avec le turban noir autour de la tête. Il me dévisage, m’interpelle mais ne parle pas français. L’autre me traduit « il dit que tu ne ressembles pas à un catholique mais à un Arabe » (si ce n’est pas du racisme ça…) ; je n’y peux rien si je suis devenu mat ! En fin de repas, un jeune vient me discuter. Très gentil celui là. Il m’explique qu’il est instituteur pour les petits villages. Il veut m’offrir un énorme livre que je refuse, désolé, car je n’ai plus de place. Il me dit qu’hier, à 15 heures, dans le même café, il y avait un gars en vélo, comme moi et apparemment allemand et qui irait à Dakar. On se suit ; à un jour près, ne sait-on jamais, on va peut être se rencontrer. Sur le parking, en plein soleil, il y a des camions remplis de bétail (ânes, moutons, dromadaires) pendant que les chauffeurs se désaltèrent à l’intérieur. C’est écœurant. Au Maroc, il ne faut pas être un animal, Allah ne doit pas les reconnaître lui aussi. Plus loin, encore une grande montée, que je termine à pied. Décidément, je croyais le désert plat. J’ai fait 100 kilomètres et il en reste encore 40 jusqu’à la ville. Alors, je suis raisonnable et je monte la tente pour ma première nuit dans le désert au milieu de rien. Je n’arrive pas à faire tenir les piquets, j’espère que le vent sera calme. Je me sens vraiment minuscule dans cette immensité. La nuit tombe vite et, dans le ciel, des milliers d’étoiles scintillent, d’une clarté incroyable. J’essaie de trouver celle qui guide les nomades. Pleins de cris d’animaux qui ne me sont pas familiers. Je ne suis qu’à peine tranquille mais ici, au moins, je n’aurai pas de cafards. A ce moment où j’écris et où je suis vraiment isolé du monde, j’ai une grosse pensée pour ma petite femme et mes enfants à qui j’aimerai tant faire partager ces moments intenses d’émotion et toutes ces choses qu’on ne peut pas expliquer par des photos. Heureusement, tous les jours ne se ressemblent pas. Hier, je n’avais vraiment pas le moral. Je me demandais ce que je foutais là et je les détestais tous et aujourd’hui, je suis bien, sur le dos, les yeux fixés sur les astres.

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    Dimanche 6 octobre - Route de Tan-Tan -> Tan-Tan plage (70 km)

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    Les freins ont lâchés juste devant moi ( 2 morts)

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    Ce matin, la lumière du jour me réveille à 6h30. Après avoir passé une bonne nuit, je démonte vite avant que le soleil ne sorte des montagnes et c’est parti. En guise de petit déjeuner, au programme, 40 kilomètres pour rejoindre la ville. En plus, des bonnes côtes. Le désert Marocain n’est pas plat du tout. Enfin, une super descente. Je laisse prendre de l’élan à Bamako mais ça ne dure pas. Tout le monde STOP. Je crois à un contrôle de police vu qu’il y en a régulièrement mais non. Il s’agit d’un camion énorme et surchargé comme dab qui s’est scratché en bas de la descente : ses freins ont lâché et il s’est littéralement écrasé sur le toit, faisant deux morts dans la cabine et tout ça à côté d'un cimetière, J’ai vu passer ce camion ce matin en démontant la tente et je l’ai remarqué car c’est le même que celui du gars qui m’a offert le thé hier. J’espère que ce n’est pas lui. Ça m’étonne même que ce soit le premier accident que je vois, vu la vitesse à laquelle ils roulent, l’état dans lesquels ils sont et les charges qu’ils transportent. Imaginez si j’étais parti trois minutes plus tôt et que je le précède ? 10 kilomètres plus loin, contrôle de police, la vraie cette fois. D’habitude, ils ne m’arrêtent pas ; Bamako a du perdre de son charme avec la poussière…Nom du père, de la mère, où je vais, pourquoi,…etc. Je crois que c’est plus de la curiosité et pour faire du zèle qu’autre chose. Lorsque j’ouvre mon portefeuille, ils remarquent la photo de ma carte de groupe sanguin, j’avais alors seize ans et les cheveux aux épaules. Ils me demandent si c’est moi et me dévisagent du regard. Ensuite, pour fayoter, je leur dis que j’ai très bien été accueilli au Maroc. Alors là, ils n’en peuvent plus, ils me souhaitent la bienvenue au pays et bonne route (j’aurai préféré bon vent car ici, j’en ai compris le sens !). Après les flics, une montée, pas très longue, mais vu que je n’ai rien dans le ventre, ajouté à la canicule, je trouve les kilomètres interminables. Ensuite, j’aperçois la ville ; on la croit à côté alors qu’il reste encore cinq kilomètres. C’est comme ça dans le désert vu qu’on voit très loin. J’arrive à Tan-Tan, il est dix heures. Je prends un petit déjeuner. Et, j’aperçois un club Internet alors je vais aller donner des nouvelles. Ça y est, je suis déjà encerclé de gamins et le gars ne veut pas que je rentre Bamako à l’intérieur. Il me dit « je surveille » et je m’installe face à la porte d’entrée. Je tape d’une main et surveille d’un œil. Le gars fait sortir plusieurs fois les gamins. Moi, je frappe un long message pendant 45 minutes, j’ai presque fini et, lorsque je vais pour cliquer sur envoyer, panne électrique générale et tout est effacé. Je suis dégoûté mais apparemment, ça doit être courant car personne ne s’affole. Je demande au gérant s’il y en a pour longtemps. Il me répond peut-être dix minutes, peut-être deux jours ou plus, ça dépend. Je voulais retirer de l’argent au distributeur, impossible. Un jeune qui répare sa mob vient me discuter et m’invite à venir boire le thé chez lui après manger. Je lui dis d’accord, s’il n’y a rien derrière tout ça. Pendant que l’on parle, un marmot d’une dizaine d’années me jette une pierre qui tombe sur Bamako. Le jeune donne l’ordre à un autre gamin pas plus grand que lui de le poursuivre. Ça dure dix minutes et il le ramène vers nous par l’épaule. Le gars lui met une dizaine de gifles que je n’aurai pas souhaité recevoir ! Et, fait incroyable, lorsqu’il le relâche, il reprend des cailloux à la main et nous menace ! Un français qui réside ici me dit que c’est viscéral chez eux : les gamins jettent des cailloux aux chiens, chats, ânes, tout ce qui bouge…Un moment après, je suis révolté, je m’aperçois qu’ils ont réussi à me subtiliser une gourde et à ouvrir ma sacoche arrière. J’en parle à un policier de passage, qui me conseille d’aller faire une déclaration au commissariat. C’est bon, j’ai compris et je fuis vite cette ville, direction Tan-Tan plage, où j’aimerai vraiment trouver un endroit pour me reposer. Ici, il fait très très chaud et il paraît qu’il fait souvent des orages impressionnants : il y a quelques jours, ils ont eu des trombes d’eau. Aujourd’hui, à force d’accumuler la fatigue et les nerfs, j’ai besoin que ça sorte. Alors, dès que je pourrais aller sur le Web, je pousserai un grand coup de gueule pour dire que j’en ai marre. Marre des cafards, du bruit, de la fumée d’échappement, des klaxons, des tajines, marre de recevoir des pierres, marre de me faire voler, marre de voir les ânes se faire tabasser, marre des Marocains… ! Ah, ça fait du bien ! Pour l’instant, les bons moments n’arrivent pas à compenser les mauvais. Je suis très déçu en rapport à l’idée que je m’en faisais. En camion, ils me font tous des signes d’encouragement et, sur le terrain, très peu sont conviviaux, si ce n’est par intérêt. A midi, je voulais manger dans un café conseillé par un guide. Le gars qui me reçoit refuse que je rentre Bamako. Il me désigne son gamin du doigt en me disant « il va te garder ton vélo ». Je refuse en lui disant que chez eux, il faut toujours payer les services. Alors, il va voir le cuistot et, bizarrement, il me dit qu’ils ne peuvent plus me recevoir, il n’y a plus rien à manger, c’est tout retenu. Bon, assez discuté, allons voir Tan-Tan plage. Nous sommes en plein après midi, il est 15 heures et une terrible montée nous attend, avec une chaleur à vous couper le souffle. Un tracteur monte en tractant une grosse cuve d’eau à l’arrière. Je lui fais signe de ralentir pour que je m’accroche derrière. Il me fait un signe négatif, j’ai compris, je dois me débrouiller seul. Au bord de la route, des dizaines de gamins se baignent dans des trous d’eau remplis par les derniers orages et transformés en véritables égouts, avec les décharges qui entourent la ville. J’arrive à Tan-Tan plage en fin d’après midi. Pas de camping. Je trouve un petit hôtel très très sale, ça sent le cafard à plein. Alors, aujourd’hui, j’ai vraiment envie d’un minimum de luxe pour me reposer de toutes mes péripéties. Je trouve enfin un petit hôtel tenu par un français, en bord de plage, d’un calme incroyable. Il me fait un super prix parce que c’est tout nouveau et en plus, d’une propreté dont j’ai perdu l’habitude. J’ai bien envie de passer deux jours ici, le temps de reprendre quelques forces et de réviser Bamako pour les jours suivants, qui risquent d’être assez durs. Dans l’hôtel, j’ai entendu aux dernières nouvelles que la ville de Casablanca est envahie par des rats qui leur apportent plein de maladies. Pas étonnant lorsqu’on voit la saleté qui règne dans ces villes. Hier, à l’entrée de la cité, il y avait un âne mort, en plein sur la chaussée certainement depuis deux ou trois jours. Et personne ne l’enlève. En quelques jours, j’en ai vu cinq dans les fossés ou sur la route, de même que les dromadaires en décomposition. Aussi, énormément de chiens abandonnés avec leurs chiots. On ne doit jamais tuer les petits alors ils doivent se débrouiller pour survivre. Il y en a de partout, ainsi que les chats, souvent à moitié estropiés par les voitures.

    Direction Agadir puis le Sud du Maroc

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    Lundi 7 octobre - Repos à Tan-Tan plage 

    Cette nuit, j’ai vraiment bien dormi. Des nuits comme ça, ça faisait longtemps que je n’en avais pas passées. Bon petit déjeuner, ça faisait longtemps aussi ! Je prends le taxi pour retourner à Tan-Tan car ici Internet est en panne alors j’espère que là bas l’électricité est revenue. Ça y est, au bout d’une demi-heure, la Mercedes est pleine (sept personnes), nous pouvons partir. En même temps, je m’achète un chèche de la même couleur que Bamako. Cette après midi, plage mais l’eau est glaciale. Quel contraste avec la température extérieure ! La plage de sable blanc est superbe mais de loin car, comme de partout, c’est en fait une décharge. Je ne prends même pas de photo car c’est très difficile de cadrer sans qu’il y ait un plastique ou autre détritus. Sur les cartes postales, il y en a moins !! Il faut faire très attention à ne pas se couper en marchant sur le sable avec les bouteilles cassées, boîtes de conserve ou autres objets qui traînent. Autour de la ville, sur des hectares, ce n’est qu’un paysage désolant de décharges sauvages. Je me mouille quand même car la chaleur est trop insupportable. Mais, une fois allongé, je me fais attaquer par une nuée de mouches. Alors, c’est bon, j’ai assez d’une journée ici. En plus, je m’ennuie et j’ai déjà envie de repartir. C’est sûr, je vais dire au patron de l’hôtel que j’ai changé d’avis et que je pars demain de bonne heure. Ce soir, je vais aller me ravitailler en eau et nourriture pour la prochaine étape.

    Mardi 8 octobre - Tan-Tan plage -> Akhfanir (98 km) 

     

    Je me lève à 6h30 ; je crois que j’ai pris trop d’eau et de provisions, les bagages sont hyper lourds. La vache à eau que j’ai achetée n’est pas terrible : lorsque je penche Bamako, elle se déforme et met tout le poids du même côté. Je peine à tout faire rentrer. Ça va, en roulant, ça ne se sent pas trop mais je fais très attention aux nombreux nids de poules car, avec le poids, je crois que ça serait fatal pour les jantes. J’ai aussi très peur que les porte-bagages ne résistent pas avec les secousses. J’ai oublié de vous dire que lorsque l’on part en vélo, l’obsession du poids vous oppresse de sorte que, depuis la France, à mesure que j’ai passé une étape, je déchire la partie de la carte dont je n’ai plus besoin ainsi que les pages du guide (surtout celui du Maroc, qui est très lourd !)….Eh oui !!! De même lorsque je me lave les dents et que je me savonne, je me dis que chaque fois, ce sont des centièmes de grammes qui disparaissent (mais alors là, c’est vraiment psychique !!). La route, pour l’instant, est assez plate et sans vent. Au bout de quelques kilomètres, nouveau contrôle de police : il me fait rentrer dans son cagibi et ne se presse pas pour s’occuper de moi. Ensuite, il me demande si j’ai déjà été contrôlé. Alors, content, je lui dis « oui ». Mais il me demande quand et là, malheur, je lui dis « il y a deux jours ». Si j’avais su, j’aurai dit « hier ». Alors, re belotte, reprise de tous les renseignements ; il est très étonné qu’on ne m’ait pas tamponné mon passeport à Tanger. Bon, je retente le coup de vanter l’accueil marocain et ça marche ! J’ai même droit à un verre de thé mais j’ai quand même perdu une demi-heure, moi qui ne voulais pas rouler sous la chaleur. Très beaux paysages, la route longe les falaises. Alors, d’un côté la Bretagne (sans pluie !) et de l’autre côté le désert infini. Je m’arrête souvent pour aller observer la mer. C’est superbe, beaucoup de campements de pêcheurs. A midi, je vois une vieille cabane écroulée au-dessus des falaises : je vais me mettre à l’ombre derrière pour manger. Plus loin, un pêcheur, qui pêche à la ligne d’une hauteur impressionnante. Je vais le voir. Il me dit « bonjour » et c’est le seul mot qu’il sait dire en français. Il me montre des loups de mer dans son panier tressé. Ensuite, il pose sa canne et me fait comprendre qu’il va manger. Je lui dis « moi aussi » et il me fait signe de le suivre. Il appelle son frère qui pêche plus loin. Nous faisons environ 500 mètres et je les suis. Ils descendent par une brèche et nous nous retrouvons dans une grotte perchée à 50 mètres au-dessus de l’océan ; c’est le paradis. Il me fait comprendre que son frère vit ici une partie de l’année. Il y a une grande corde qui relie l’autre falaise et où il accroche des filets. Ils prennent un poisson dans le panier, laissent les autres en plein soleil et le frangin se met à faire la popote dans une vieille gamelle. Il y a deux ou trois tomates, quelques oignons et tout se mélange avec le poisson. Je lui apporte une petite boîte de petits pois, qu’il met aussi  avec , et c’est parti. Une fois le poisson cuit, il me fait signe de me laver les mains avec l’eau qu’il me vide dessus avec une bouilloire et du savon. Il sort un pain rond marocain et nous mangeons tous les trois de la main droite en s’aidant du pain. Avec les braises qu’il reste, il fait le thé à la menthe et le tour est joué ! Tout s’est fait très simplement, en échangeant très peu de mots et c’était magique. Voici le vrai accueil africain. Ils avaient l’air très jeunes ; l’autre habitait dans le désert, avec sa femme. Ils m’ont bien fait remarquer qu’ils n’étaient pas Marocains mais des Sahraouies et que les Marocains n’étaient pas bons. Ils m’ont dit qu’eux aimaient le whisky et le vin, et qu’ils ne faisaient pas le ramadan. Rappelez-vous, l’autre jour à Tan-Tan, un autre m’avait dit « nous on est Arabes et pas Berbères, eux ne sont pas bien » Comment voulez-vous qu’il n’y ait pas de guerre ?! Après manger, nous nous sommes dit au revoir et ils sont retournés pêcher. Il m’en restera un souvenir inoubliable ; la seule ombre au tableau c’est qu’ils ont jeté la boîte vide de petits pois à la mer et ça, je m’y fais difficilement alors que pour eux, c’est un geste tout naturel. Ici, ils détestent les Espagnols, comme tous les pêcheurs car ils leur piquent leurs poissons ! Un des jeunes m’a fait voir avec le couteau sous sa gorge (Marocains et Espagnols comme ça). Je continue ma route avec toujours un point de vue superbe. La route est à environ 100 mètres de la mer et, de ce fait, la chaleur avec la brise marine est mieux supportable. 95 kilomètres et j’arrive à la première ville depuis Tan-Tan. Ensuite, la route s’écarte de la côte pendant plusieurs kilomètres et je n’ai pas envie de dormir en ville. Alors, je fais demi-tour jusqu’au premier campement de pêcheurs que je trouve, à environ trois kilomètres. Je vais tenter ma chance : je vois un black qui pêche au-dessus des falaises. Je lui parle, lui offre des madeleines et lui demande si je peux monter ma tente par ici. Il parle très peu français mais me dit oui. Ensuite, il me fait comprendre qu’il est dans une tente plus loin, avec un autre pêcheur. Il me montre, il y en a trois et il me fait signe que je peux monter la mienne à côté ; c’est ce que j’attendais ! L’autre vient nous rejoindre en mobylette, un grand costaud, impressionnant ; je l’avais vu toute à l’heure mais je n’avais pas osé l’aborder. Il me l’a dit plus tard « je t’ai vu toute à l’heure, pourquoi tu ne m’as rien dit ? » J’étais très gêné mais ça n’a pas duré car ils étaient vraiment sympathiques et très complices tous les deux. Ils me demandent si je mange le poisson avec eux, c’est du barracuda. Ils le préparent dans une grande gamelle, cuit à l’eau avec carottes, piments, tomates, herbes, etc.…Dans leurs espèces de tentes, faites avec des bâches et des vieux filets de pêche, ils ont tout ce qu’il faut. C’était très bon. Ensuite, le thé à la menthe. Et, le soir, ils repartaient à la pêche de nuit pour une autre sorte de poisson, à trois kilomètres d’ici, tous les deux sur une vieille mob orange, avec leurs grandes cannes ! Avant de partir, il me fait mettre Bamako à l’abri dans la troisième tente et font la prière. Ensuite, ils me disent que si ça mord ils restent toute la nuit sinon ils reviennent. Tous ces pêcheurs viennent ici pendant quelques mois lors de la saison de pêche. Certains habitent très loin. Le black habitait à Agadir, il se rendait à Tan-Tan en stop ou en taxi avec le poisson dans la glacière pour le vendre. Ah, aujourd’hui, j’ai vraiment passé une journée inoubliable. J’écris ces lignes de ma guitoune au bord d’un précipice avec le ciel plein d’étoiles et bercé par le bruit des vagues qui, ce soir, s’éclatent très haut contre la falaise (la mer est démontée). J’espère que le vent ne sera pas très fort car je n’ai pu planter aucun piquet, le sol étant très dur, j’ai du attacher les ficelles à des cailloux.

    Direction Agadir puis le Sud du Maroc

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    Direction Agadir puis le Sud du Maroc

    Direction Agadir puis le Sud du Maroc

    Direction Agadir puis le Sud du Maroc

    Direction Agadir puis le Sud du Maroc

    Direction Agadir puis le Sud du Maroc

    Direction Agadir puis le Sud du Maroc

    Mercredi 9 octobre - Akhfanir -> Tarfaya (102 Km) 

    Cette nuit, pas très bien dormi car le vent s’est déchaîné et j’entendais les vagues exploser contre la falaise dans un grondement impressionnant. J’avais très peur que la tente se déchire car ça la ballade dans tous les sens. Le matin, à 6h30, il pleut entre les bourrasques. Je me lève et commence à ranger. Un moment après, l’un des deux pêcheurs vient me dire bonjour et m’apporte son adresse pour que je lui envoie des photos. Il revient avec un énorme poisson et me demande si je veux le photographier avec. Ensuite, il me dit de venir boire le thé. Une voiture s’arrête sur la route : c’est le boulanger, qui fait Akhfanir -> Tan-Tan pour desservir les campements de pêcheurs. Le grand costaud apporte son poisson et le troque contre du pain tout frais (c’est ça le Maroc). Nous rentrons dans la tente pour le thé et nous trempons des bouts de pain dans un bol où il y a du miel mélangé à de l’huile d’olive. Il est déjà neuf heures et ce sont les au revoir. C’est parti avec un temps calme et pas trop chaud. Ça roule bien pendant une vingtaine de kilomètres. La route s’éloigne ensuite de l’océan avec des paysages différents mais encore superbes : des dunes de sable qui couvrent de plus en plus la nature et le bord de la route en débordant largement sur celle-ci, ne laissant quelques fois qu’un petit passage. Et puis, tout à coup, c’est la tempête de sable alors que normalement ce n’est pas l’époque. L’horreur : vent de face, je n’avance plus et le sable me cingle le visage ; jusqu’à 12h30 c’est comme ça. Je trouve enfin une vieille cabane écroulée et je m’abrite derrière pour manger mon sandwich et l’après midi, c’est reparti, toujours avec le vent de face et de travers. Je n’ai pas de chance car tout le monde m’avait annoncé qu’après Tan-Tan, j’aurai le vent dans le dos. Hier, il n’y en avait pas et aujourd’hui, ce n’est pas un vent normal. 70 kilomètres et je retrouve le bord de mer avec un vent violent de travers. Le compteur n’avance pas. Et, lorsque vous voyez un panneau Tarfaya 40 kilomètres, que vous faites 4 kilomètres et que là, vous retrouvez une borne encore marquée Tarfaya 40 kilomètres, il y a de quoi vous couper les jambes. 100 kilomètres, il est 18 heures et je suis à 7 kilomètres de la ville. Ça se voit au Maroc lorsque l’on s’approche d’une cité car le paysage devient une décharge sur plusieurs kilomètres. Je n’ai pas envie de dormir en ville alors je cherche un coin côté plage. Mais impossible d’y aller car la tempête a mis du sable partout et on s’enfonce au moindre pas. La nuit commence à tomber et, heureusement, plus loin, de l’autre côté, je vois un grand mur en pierres à moitié écroulé, loin de la route. Alors, j’essaie de passer Bamako et ça roule. Je monte la tente derrière, à l’abri du vent, et me fais une bonne purée déshydratée. Sur la route, aujourd’hui, les quelques routiers Marocains qui transportent le poisson depuis Dakhla me klaxonnent tout en me faisant signe du pouce, pour me dire bravo. En revanche, les quelques 4x4 ou campings cars français ne font pas cas de moi. A mon avis, si tu es dans la merde dans le désert, je me demande si tu peux compter sur eux.


     

     

     


     


     

     

     


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  • Mercredi 25 septembre - Algesiras (Ferry pour Tanger) -> Larache (100 Km)

    Bienvenue au Maroc

    Celui ci n'est pas passé au contrôle technique !

    Bienvenue au Maroc

    Arrivée à Tanger la Blanche

     

    Ça y est, c'est parti pour le ferry de 8h30. Devant, il y a déjà la queue. Bamako n'est pas fier au milieu des camions. Alors, nous passons devant tout le monde. Quatre motards Suisse sont devant la file au contrôle des entrées. Je leur dis bonjour, ils me jettent à peine un regard (nous ne devons pas avoir les mêmes valeurs). En tout cas, ils ont de grosses difficultés avec les autorités qui n'ont pas l'air décidées à les laisser passer, ça discute beaucoup. Pendant ce temps, l'un des deux hommes me demande mon passeport et me fait passer directement devant tout le monde (bien fait pour les ouins-ouins !). On entre dans le ventre du gros bateau et là, tout de suite, deux gars très sympas s'occupent de nous : questions, rires... Ils sont très surpris et attachent Bamako avec beaucoup de soin. Ensuite, photos souvenirs et c'est parti, on se sépare. Mon compagnon de route reste dans la cale avec tous les véhicules et moi je monte sur le pont. Il faut remplir une fiche de situation, ce n'est que le début. Et je peux enfin boire un petit café. Les Suisse sont là, ils ont réussi à passer mais ils sont toujours aussi froids. Alors je sympathise avec des français, deux hommes et une femme, qui sont venus avec une quinzaine de motos tous terrains sur une remorque. Ils sont organisateurs de randonnées motos à l'étranger. Ils vont passer une semaine avec un groupe dans l'Atlas et la deuxième semaine avec un autre (bon boulot, non ?). Le ferry s'éloigne de la côte et nous croisons des énormes bateaux dans un état déplorable. On se demande comment ils flottent. Nous voyons très vite la côte africaine et d'un coup Tanger, la ville que l'on m'a dit "de tous les dangers", "celle qui craint un max", "celle où il faut prendre la tangente" (pas bien ça ?). Et je suis très surpris par ce que je vois : une très belle ville qui domine la mer, avec ses murs blancs et ses mosquées, qui surplombent le tout. Alors que je m'attendais à toute autre chose. Nous amarrons dans le port, je descends dans la cale, détache mon ami et me faufile au milieu des camions et voitures. J'arrive devant le douanier qui me sourit, regarde à peine mon passeport, fait dégager de la place devant moi, me fait passer en priorité devant tous les autres véhicules et me souhaite la bienvenue au Maroc. Quel accueil ! Maintenant, je suis lâché en liberté, seul, avec un peu d'appréhension. Et il faut déjà que je trouve la bonne direction. Je demande au policier qui, très gracieusement, me renseigne : prendre direction Rabat et c'est très bien indiqué. Toutefois, avant, il faut que je change mes travellers chèques et pour cela, il faut que je me rende en plein centre ville. Je fais quatre banques, toutes me les refusent, ça commence bien ! Merci ma banque et merci les guides touristiques, qui disent qu'ils sont acceptés de partout. Enfin, une grande banque veut bien me les prendre. Alors, vu la situation (je ne vais pas traverser que des grandes villes), je retire une grosse somme : c'est plus prudent car je ne veux pas passer mes journées à faire le tour des banques. En ville, je ne suis pas harcelé du tout et très agréablement surpris. Je prends la direction Rabat, traversée de la ville, très bien indiquée, sans aucun problème à part la route qui est très mauvaise à cause des nombreux nids de poules. Alors encore merci le rétro car, ici, si vous vous faites écraser, c'est de votre faute : les camions gardent leur trajectoire et vous klaxonnent pour que vous vous mettiez sur le côté. Le problème c'est qu'il faut anticiper vu l'état des bas côtés. Je me suis laissé avoir une fois et j'ai fini dans le fossé. De plus, les camions qui nous doublent n'ont certainement pas la pastille verte car je prends des bonnes bouffées de gaz d'échappement. Ça y est, nous sommes dans la campagne, superbe paysage de chênes, lièges, pins et eucalyptus avec, de temps en temps, la mer splendide avec de grandes plages vierges. Et, quelquefois, en décor, un berger avec quelques bêtes. Si l'on ne voyait pas de temps en temps des ânes, moutons et dromadaires, on ne se croirait pas du tout au Maroc. Bonne route maintenant et pas de vent. J'avale en peu de temps les kilomètres qui me rapprochent de Larache en me méfiant de ne pas me laisser surprendre par la nuit car j'ai dû reculer ma montre de deux heures (heure marocaine). Maintenant, sur les bords, des champs immenses de melons canari, on dirait des fleurs. Il y a aussi beaucoup de marchands de poterie et quelques marais salants assez artisanaux. Je suis très peu harcelé dans les traversées de village, je dis bonjour et on me répond toujours. J'arrive à Larache et cherche un centre de repos gratuit que les guides indiquent. Je vais trop loin et me retrouve en pleine ville. Une nuée de gamins qui sort de l'école se rue sur moi ; je dois me fâcher un peu pour qu'ils me fichent la paix. Je demande ma route aux policiers qui me renseignent très gentiment. Je trouve enfin le centre de repos qui n'est plus gratuit mais coûte trois euros. Ce centre a été financé par la Marine Nationale pour héberger les Marocains résidant en France. Pour cette modique somme, vous êtes dans un parc gardé par la marine 24 heures sur 24. A l'intérieur : restaurants, magasins, douche chaude, jeux pour les enfants et bien entendu la mosquée (grande tente avec les tapis). Je monte ma tente dans la pelouse très propre et je tape la conversation avec le marin de garde qui s'ennuie. Il me parle de la vie Marocaine, de ses traditions, de la religion. Il rêve de visiter la France mais il manque de moyens. Régulièrement, lorsque c'est l'heure, les pensionnaires viennent prier dans la mosquée. Mon entrée Africaine commence très très bien.

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    Champs  de Melons Canaris

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    Tu vois Bamako eux aussi ont des réserves d'eau

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    Marais salants

    Jeudi 26 septembre - Larache -> Allal Tazi (110 Km).

    Ce matin, une humidité incroyable et du brouillard (si si). Nous devons être entourés de marais car cette nuit il y avait pas mal de moustiques. Je plie la tente mouillée. Sur la route, le flot des camions a commencé ainsi que les ânes avec leurs charrettes, mobylettes et véhicules de tout genres. Ça  klaxonne dans tous les sens. Vu le brouillard, je mets mon super gilet jaune fluo de chantier. En ville, toutes les routes sont défoncées alors il faut être très vigilant pour ne pas exploser une jante ou casser un rayon. Je traverse de nombreux souks en bord de route et des marchés agricoles avec vieux tracteurs, vaches, moutons, ânes et chevaux d'une maigreur inimaginable qui tirent des chargements démesurés, qui se font tabasser gratuitement même s'ils avancent. Tout le long de la route, je vois des situations toutes aussi burlesques les unes que les autres. On pourrait faire un concours de photos inédites surtout au niveau des chargements, que ce soit camions, autos, vélos ou mobylettes, moutons sur les galeries ou sur les mobs, ânes sur le toit d'un camion. J'ai aussi vu rouler un VTT avec, sur le porte-bagages, une pile de cartons pleins d’œufs d'une hauteur inimaginable. Ici, contrairement à chez nous où le covoiturage est très rare, on ne part pas tant que la voiture ou le camion n’est rempli à bloc. Je n'aurai jamais assez de photos pour prendre et expliquer toutes ces choses alors je les case dans ma tête. Le paysage est maintenant assez montagneux avec parfois des plaines immenses ou l'on travaille comme des fourmis en rapport à la surface.

    Étonnant, à cette époque, on ramasse encore des pommes de terre. Il y en a en culture nouvelle. Succession de montagnes russes ; devant les villages, des tas de détritus incroyables. Pendant trente kilomètres, un cycliste Marocain qui ne parle pas un mot de Français se plait à me suivre ; il doit revenir du marché. De temps en temps, il pédale comme un fou pour me dépasser. Ensuite, fatigué, il repasse derrière. On devient complices par des signes et, chaque fois qu'il rencontre des collègues à lui le long de la route, je ne sais pas ce qu'il leur raconte sur moi mais ça rigole beaucoup. J'ai fait 80 bornes le matin et je suis à bloc. Je m'arrête dans une petite ville pour manger un bon tajine qui me requinque un peu. L'après midi, grande ligne droite avec vent de travers. J'avance difficilement à 15 Km/h. Les gamins courent vers moi pour me chiner des euros, des stylos ou des cadeaux. Comme si je n'avais pas assez de bagages pour traîner des cadeaux ! Ce soir, je ne vois ni camping ni hôtel alors je vais tester l'accueil Marocain. Tout le long, entre les villages, de véritables décharges de partout. Je vois une belle propriété avec des serres. J'entre et je demande pour monter ma toile. Un ouvrier agricole me répond que c'est un domaine du roi, comme toutes les grandes propriétés ici, alors que c'est impossible. Il appelle quand même le chef qui trouve une solution (normal il est chef). Il me propose de mettre Bamako à l'intérieur et me montre pour monter la tente dans le fossé au bord de la route et au milieu des détritus. Je le remercie et reprends ma route. Plus loin, je rencontre un jeune qui garde une paire de vaches et lui demande l'hospitalité. Il me dit direct un non catégorique. Et bien, si c'est ça l'accueil Marocain !! La nuit commence à tomber alors je tente ma chance plus loin sur la route. Je prends un chemin dans les terres et je trouve un gars avec ses deux ânes. Il ne pige pas un mot de français. Je lui mime des gestes alors il m'emmène dans une cour de ferme sous un abri qui sert de bergerie, et sans un mot me montre de la main où dormir, sur un lit de crottes de mouton (sympa). Je lui fais comprendre que je préfère dormir dehors. Après avoir un peu nettoyé l'emplacement, je monte la tente sous son regard étonné. Par contre, il ne m'invite malheureusement pas à partager son repas. Je ne sais même pas où il loge et je n'ai pas acheté à manger. J'entame un plat de raviolis desséché que j'avais pris en secours et j'entame aussi le répulsif anti-moustiques car je suis au bord d'un marais et, dès que j'allume la lampe frontale pour voir ce que je mange, je suis mangé moi-même.

    Au moment où j'écris, je me demande ce que je fais ici car il n'est que 19h30. Je me retrouve seul, dans la nuit, le programme de la soirée est vite trouvé. Bamako, lui, dort à l'abri dans le hangar. A côté de lui sont perchées toutes les volailles. Je lui mets des protections au cas où elles le prendraient pour un perchoir le matin.

    Vendredi 27 septembre - Allal Tazi -> Rabat (95 Km)  

    Cette nuit encore, très peu dormi. Les coqs perchés à côté de Bamako se sont mis à chanter à 2h30. Ils sont réglés à l’heure française, ce doit être des volailles d’importation. Ensuite, ils n’ont plus arrêté jusqu’au matin. Dans la nuit, le chien s’est aussi mis à aboyer. A travers ma guitoune, j’ai alors vu la lueur d’une lampe : c’était le patron, qui doit habiter juste derrière les hangars et qui venait voir ce qu’il se passait. Cet homme est bizarre, il ne m’a pas décroché un mot. Au début, j’ai cru qu’il était muet car il mimait, juste quelques sons entre les dents. Et, hier soir, alors qu’il crisait pour faire rentrer ses ânes qui avaient peur de Bamako (car ils le prenaient pour un âne bleu avec ses sacoches), il a laissé partir deux ou trois « Nardine-mouk » ; j’ai donc vu qu’il savait parler. Du coup, ce matin, je me suis réveillé très tôt. Tant pis, je pourrais rouler un max avant midi et manger un bon morceau car hier soir, c’était un peu léger. Heureusement qu’avec la lueur de ma lampe frontale il est tombé quelques protéines dans le bouillon. Ma tente est toute mouillée. Il y a un brouillard incroyable ; on se croirait en Grande Bretagne et non pas au Maroc. Tant pis, je plie avant que le fermier ne revienne car je n’ai rien envie de lui donner (vu qu’il ne m’a même pas offert le thé). Je range tout et le chien vient me voir, il dormait au milieu des moutons. On se comprend lui et moi car lui non plus n’a rien mangé depuis hier et il doit souvent sauter des repas vu la maigreur (à peu près celle d’un joint de culasse). Bon, je prends Bamako, je dis au revoir aux poules et me dirige discrètement vers le portail. Et là, oh surprise, il est fermé avec un gros cadenas. Je fais le tour, aucune issue. Je voulais partir tôt et me voilà prisonnier. Je sens mal ce coup, ça sent l’odeur du rackettage du matin : il va me demander de l’argent en échange de ma libération. Pas le choix, je prépare trois euros en monnaie pour l’amadouer s’il me chine et je cherche où il crèche. Je passe la vieille porte rouillée d’où il est sorti cette nuit et j’appelle. D’un coup, je le vois et je lui fais signe. Il arrive cinq minutes plus tard, toujours sans un mot. Il m’ouvre le cadenas, muet comme une carpe. Je lui dis « choucrane » et je m’en vais comme je suis venu. La route, ce matin : des immenses plaines cultivées où l’on emmène des pleins camions de femmes pour travailler les terres. Ce doit être des terres royales. Les hommes sont devant les bahuts, les femmes derrière qui se tiennent comme elles peuvent après les ridelles (la galanterie). Au bord de la chaussée, plein de groupes attendent, accroupis, l’arrivée des transports. Beaucoup de troupeaux de vaches et de moutons gardés par de très jeunes enfants ; très peu doivent être scolarisés. Par contre, ils sifflent très bien : lorsque j’entends un sifflement, c’est pour m’annoncer et l’on arrive en courant pour me chiner. Des charrettes chargées à bloc de sacs de ciment sont tirées par des ânes ou chevaux et, toujours au galop. Ceux qui sont aux champs, ainsi que les vaches, sont soit attachés par une patte arrière avec une corde de 1,50 m, soit on leur lie les deux pattes de devant à 20 cm l’une de l’autre avec une cordelette. Comme ça, ils ne risquent pas d’aller loin. Et malheureusement, lorsqu’ils sont sur la route, ils ne peuvent pas échapper aux poids lourds. Souvent, en bordure de chaussée, un squelette d’âne en décomposition, qui doit servir de nourriture aux nombreux chiens errants. Après Kenitra, très belle route qui passe dans les chênes lièges avec, le long, beaucoup de pépiniéristes. Tout à coup, je me dis « mince, quel jour est-on ? ». Je perds complètement la notion du temps. Je regarde alors mon carnet de bord et je m’aperçois que nous sommes vendredi alors que je me croyais jeudi. Je me suis fait avoir, c’était le dernier jour avant le week-end pour prendre mon visa pour la Mauritanie à Rabat. Ce soir, des files de voitures et taxis, avec des jeunes sur le toit et accrochés derrière, klaxonnent à tue-tête et jettent des prospectus. J’apprendrai plus tard que c’était les élections législatives au Maroc et, a priori, ils ont l’air très satisfaits du résultat. Moi, vu l’état des routes, j’ai très mal aux fesses et il faudra bien que je prenne un peu de repos. J’arrive à Rabat, très belle ville, avec sa plage et séparée de Sale par un fleuve. Découverte du jour : j’ai trouvé d’où viennent toutes les minuscules mouches papillons qui envahissent notre salle de bain en France depuis 3 ou 4 ans ; il y en a plein ici.

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    Ville de Salé séparé de Rabat par un fleuve

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    Plage de Rabat

    Samedi 28 septembre - Repos à Rabat 

    Aujourd’hui, journée de repos. Mais, au Maroc, il faut vivre avec le bruit, même la nuit, alors on va plutôt dire « journée sans pédaler ». Alors, comme dab, douche, linge sale, révision et le point sur les kilomètres. Vu que je suis parti avec deux jours de retard, en rapport à la date prévue, à cause de Bamako qui n’était pas prêt (les vedettes se font toujours attendre) ; vu que j’ai perdu quatre jours en Espagne car 367 kilomètres de plus que ma prévision, plus une journée pour trouver un pneu ; il faut que je revoie des choses car ça va me faire des moyennes trop importantes pour finir mon périple. Et, mon but n’est pas le kilométrage mais la découverte. Jusqu’à présent, je ne suis jamais descendu en dessous des 100 kilomètres par jour, avec seulement trois jours de repos. De plus, des français rencontrés il y a deux jours m’ont dit que le paysage était vraiment identique et monotone sur la côte nord. J’ai donc décidé, pour mieux profiter du reste de mon aventure, de mettre Bamako dans le bus et de rejoindre directement Essaouira, ce qui me fera gagner trois jours. Bamako n’est pas très enchanté de voyager dans les soutes car il ne va pas voir le paysage. Moi non plus car j’aurai préféré rouler mais malheureusement, je suis trop limité par le temps. Me voici donc avec mon billet en main pour demain matin, ce qui ne m’enchante pas trop car il est prévu d’arriver à une heure du matin et en pleine zone industrielle. Ici, à Rabat, on se sent très bien, c’est une ville très agréable. Lorsque je pense qu’en Espagne il m’a fallu 70 kilomètres pour trouver un pneu. Ici, au contraire, tout est possible, tout se trouve, tout se répare. Ce matin, je demande un café au lait dans une boulangerie, pas de problème ; un coca dans une pâtisserie, il y en a. Je suis sûr que si j’ai un problème sur le vélo, je trouve un réparateur dans les 200 mètres environnants. Hier, je mangeais un couscous dans un resto et, avant de partir, je lui demande de me vendre un litre d’eau pour l’hôtel. Il refuse en me disant « ici, je vais vous la vendre beaucoup trop cher, prenez là dans une épicerie, à côté, vous la payerez beaucoup moins cher » !! De plus, les magasins sont ouverts jusqu’à minuit. Cette après midi, j’ai fait le tour des souks et, très étonné, je n’ai jamais été interpellé pour acheter. C’est vrai qu’avec mon pantalon et mon teint devenu mat, j’ai du me confondre parmi la foule locale.

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    Vous avez encore mal ?

    Dimanche 29 septembre - Rabat -> Casablanca -> Essaouira (450 Km en bus) 


      

    J’arrive à la gare routière un peu à l’avance. C’est la zizanie : les rabatteurs attendent l’étranger, c’est le harcèlement, ils se battent même entre eux. Après avoir réussi à échapper à la cohue, je vais enregistrer les bagages et Bamako. Je leur recommande de faire très attention à mon compagnon. Ce sont des jeunes très sympas, ils me font vérifier comment ils l’ont attaché dans les coffres. Je trouve ça un peu léger donc je protège les parties sensibles avec des cartons. Nous ne partons qu’à 13 heures ; ça y est, nous sommes partis. C’est vrai que le paysage n’a rien d’extraordinaire. Nous arrivons à Casablanca et il faut attendre 17 heures pour changer de bus et réenregistrer les bagages. Et là, je regrette un peu d’avoir pris le bus. En plus, ici, c’est bien moins sympa : le gars qui prend les bagages trouve tout à redire, est très stressé et ne fait que gueuler. Il ne veut pas que j’accompagne Bamako. Je m’énerve un peu et lui dis « c’est ça l’accueil Marocain ». Alors, il se calme et me dit « bienvenue au pays » en souriant. 17 heures passées : départ pour Essaouira. Le chauffeur roule très vite ; pleins de voyants rouges s’allument sur le tableau de bord, on se croirait dans une boîte de nuit mais, ça ne l’affole pas mieux que ça. Il klaxonne sans arrêt. Je suis très surpris dans ce pays de n’avoir encore jamais vu d’accident. Finalement, c’est peut-être la zizanie qui fonctionne le mieux. Dans le bus, je sympathise avec deux routards Suisses qui, par la suite, se rendent dans le désert vers Zagora. Nous prenons une chambre ensemble dans la vieille ville d’Essaouira où il est minuit passé. Cette après midi, en longeant la seule autoroute du Maroc, j’ai vu des scènes très drôles. Au bord de celle-ci, on fait du stop et on vend même des raisins .

    Avant hier, alors que je cherchais ma route, un policier me conseillait de prendre l’autoroute car c’était plus direct. Je lui ai dit « mais, c’est interdit » et il m’a répondu « non non, pas ici » !!

    Lundi 30 septembre - Repos - Essaouira 

     

    Je repense à hier, dans le bus de la CTM, Meilleure société de transports du Maroc, c’était pas mal de voir l’envers du décor. Là, je me suis vraiment rendu compte qu’avec Bamako, on était tous petits sur la route. Le car a roulé une bonne partie de nuit et c’était impressionnant : charrettes non éclairées (normal, ici, les ânes n’ont pas l’électricité), vélos, piétons, mobylettes qu’on voit au dernier moment, sans oublier les vaches, chiens et moutons qui traversent n’importe où et n’importe quand. Ça marche tout au klaxon et souvent, ça passe. A un moment, la route était très étroite et sinueuse et il roulait en veilleuses pour ne pas éblouir les véhicules d’en face ; ça fait assez bizarre, ce n’est pas « le salaire de la peur » mais pas loin… Pendant le voyage, à côté de moi, il y avait un bureaucrate marocain, très bien habillé : cravate plus complet deux pièces (plus cuisine !). Il m’a expliqué qu’il voyageait souvent avec ce transport en commun et que le chauffeur allait refaire 400 kilomètres dans l’autre sens sans se reposer. Et qu’avant, ils étaient deux ; maintenant, avec les nouvelles directives, il se retrouve seul et, non seulement conduit, mais enregistre les clients, charge et décharge les bagages. Dans un sens, il vaut mieux faire l’aller que le retour. Ce gars m’a aussi beaucoup parlé de la politique du pays, des nouvelles élections transparentes (nouveauté pour le pays), des traditions, du chômage, des études, de la gestion de l’eau (car huit années de sécheresse)…Malheureusement, ils parlent à l’avenir d’utiliser le nucléaire pour les usines de désalinisation d’eau de mer, qui serait beaucoup moins cher que les autres énergies. Il m’a aussi beaucoup parlé de la ville d’Essaouira où il se rendait pour voir sa famille et décompresser. Aujourd’hui, en fin de matinée, en visitant la ville, on m’appelle : c’était lui, assis à la terrasse d’un café, avec sa petite-nièce. Il m’a offert un verre et s’est excusé de ne pas m’inviter à manger car il n’était pas chez lui. Essaouira, avec ses murs blancs et ses volets bleus, est une ville magique où l’on se sent bien. Les jeunes marocains sont même terriblement baba cools. Ici, on écoute Bob Marley, des musiques des années 70 et on fume facilement le calumet de la paix ! Malheureusement, ils sont en train de construire une ville nouvelle, qui risque d’étouffer la vieille cité.

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    Très beau port à Essaouira

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    Mardi 1 octobre - Essaouira -> Tamri (105 km) 

     

    Mes deux collègues de chambre avaient la tourista et un des deux est très affaibli depuis cinq jours. Moi, je commence à avoir les premiers symptômes ce matin et le repos d’hier soir ne m’a pas bien profité. En plus, m’étant couché à deux heures du matin, ça ne va pas arranger les choses. Je pars avec les jambes en compote et, 70 kilomètres de montées et faux plats. Heureusement, un paysage où à chaque contour on découvre une situation nouvelle ; étendue d’agreniers (arbre très courant ici) où les chèvres montent dedans à une hauteur impressionnante et jusqu’au bout des branches. Il y en a énormément ici.

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    Lorsqu'il n'y a plus à manger au sol il faut s'adapter !

    Bienvenue au Maroc

    Plus loin, des dromadaires ; au bord de la route, de nombreux vendeurs de miel. Ici, je trouve des villages beaucoup plus propres et des ânes plus beaux, bien nourris, que l’on ne tabasse pas comme dans le Nord. Les gens ont l’air plus calmes, serait-ce dû au calumet de la paix ? On me salue beaucoup. Je demande à un berger l’autorisation de prendre des chèvres en photo sur les arbres, il accepte sans condition. Malheureusement, quelques enfants, qui me demandent bonbons et stylos, me jettent des pierres et c’est dommage. Maintenant, il faut que je me méfie pour me ravitailler car les villes sont beaucoup plus espacées et aujourd’hui, j’ai du rouler jusqu’à 15 heures pour pouvoir manger. Le temps est un peu couvert et la nuit tombe très tôt, je vais donc re tester l’accueil marocain. Je demande à deux reprises à des personnes différentes et c’est le refus ; je crois surtout qu’ils ne comprennent pas ma requête. Il fait de plus en plus sombre et je vois un groupe d’hommes et femmes qui rentrent de la cueillette des olives. Je demande à un ancien où je peux monter ma tente. Il ne comprend rien et me fait non de la tête. Un jeune s’avance vers moi et parle un peu français. Je lui explique. Il me dit « suis-moi » et c’est parti. Je pousse Bamako au milieu de la troupe. Les femmes rigolent beaucoup et une petite fille a très peur de moi. Dès que je lui parle, elle part en courant. On s’arrête vers un puits où le jeune tire de l’eau avec un seau et tout le monde se lave les mains. Ensuite, je leur montre des photos de familles et de paysages de France. C’est la grosse bagarre entre les enfants, qui croient que je les leur donne. On s’échange nos prénoms. Le jeune qui m’a invité s’appelle Mohamed. Il me dit « suis-moi, on va à la maison dans le village à 500 mètres » ; un village très typique et très propre comparé à ce que j’ai vu auparavant. De leur habitation, une vue imprenable sur l’océan, qui est à trois kilomètres à vol d’oiseau. Il m’ouvre une petite porte et me dit de rentrer Bamako : une jolie pièce, toute blanche, nickel, avec de très beaux tapis au sol. Et là, il me fait comprendre que je vais dormir ici. Il m’emmène coussins et couvertures et m’explique que c’est la chambre où il dort avec son frère et que celui-ci me laisse sa place. Il me présente sa maman, très gentille mais qui ne parle pas un mot de français. Elle me fait signe de m’asseoir et tout le monde apparaît (voisins, cousins…etc.). Ce sont les grandes présentations. Nous sommes très nombreux dans cette petite pièce. Ensuite, ce sont les photos, les discussions et les rires. La maman sert le thé à la menthe et ensuite me fait visiter la cour intérieure (très belle), la pièce de l’âne et des moutons. Et, ensuite, nous rentrons dans une autre pièce destinée à faire le pain : il y a des récipients, de la pâte préparée à l’avance qu’elle pétrit pour faire des galettes qu’elle met à cuire. Nous rions beaucoup car, avec la fumée dans la pièce, je n’arrête pas de pleurer. Eux doivent avoir l’habitude. Nous retournons dans ma chambre, la mère, les trois frères et la jeune fille accroupis autour d’une table basse. Maman fait le thé. Ensuite, elle casse un œuf qu’elle brouille dans un plat, déchire des bouts de pain qu’elle distribue à tout le monde, pose un bol d’huile d’olive et une boîte de margarine et voilà le repas ! Une bougie sur la table et tout le monde trempe son pain dans l’œuf, l’huile d’olive ou la margarine. Le soir, il me dit « viens avec moi, je vais chercher une cigarette ». On descend le chemin caillouteux avec une lampe de poche et on arrive dans un local qui sert de moulin à huile. A l’intérieur, deux hommes sont en train d’y travailler, ils m’expliquent le fonctionnement. Une pierre énorme reliée à un bois qu’un âne fait tourner pour écraser les olives. Ensuite, on passe l’huile dans plusieurs filtres de diamètres différents et on les presse avec une grosse vis reliée à une roue. Ensuite, on monte se coucher pour une bonne nuit. Mais la tourista m’a réveillé (avec l’huile d’olive et le lait caillé qu’on m’a offert aussi en arrivant). Hier soir, on m’a déjà expliqué le programme de ce matin : visite du jardin…etc. Je n’ai pas osé lui demander où était son père mais il m’a expliqué lui-même qu’il était marin et qu’il pêchait la sardine à Dakhla pendant la saison. Le jeune aussi est marin à l’occasion et pêche le calamar dans la même ville. Il se rend là bas en car. Quand le père est absent, c’est lui qui fait office de chef de famille. Dès que je me lève, on m’apporte un brot d’eau chaude et le petit me le tient pour que je me lave. Sa mère est déjà au four et fait des galettes de pain très fines puis les amène à table, toutes chaudes, avec la margarine et le bol d’huile d’olive. Elle appuie sur les galettes, une par une, avec ses doigts pour former un cratère et elle verse de l’huile dedans. Ensuite, c’est à chacun de les tremper où il veut. Puis un verre de thé pour faire passer le tout (merci Ercefluryl !). Mohamed m’invite à aller au jardin. On charge l’âne des deux réserves d’eau pour aller faire le plein. Ici, l’approvisionnement en eau est le premier travail de la journée. Nous descendons dans les rochers, usés par le passage depuis des lunes sur environ un kilomètre. Nous arrivons vers une petite Oasis au milieu de rien et là, il y a un puits qui est destiné à tout le village. Les ânes font la queue et on puise l’eau avec un seau au bout d’une corde, pour remplir les réservoirs des bourricots. Après, pendant que l’âne remonte seul (il connaît le chemin !), nous visitons le jardin entouré de branches sèches d’épineux, à l’ombre de quelques palmiers, dessous un peu de fraîcheur. Mais c’est la zizanie. Au milieu des espèces de bambous qui ont poussé seuls, il y a trois ou quatre plants de tomates mélangés à deux ou trois aubergines et deux ou trois carottes, le tout envahi par des espèces de courgettes. Le tout se débrouille un peu tout seul. Bon, c’est le moment de se quitter car je crois que je pourrais rester à volonté ici. Alors, je suis obligé de lui faire comprendre que j’ai encore de la route qui m’attend. Je suis très content car j’ai vraiment participé à une journée de vie Marocaine. Ils m’ont dit que je faisais désormais parti de leur famille française !

    Bienvenue au Maroc

    Accueil dans une famille à Tamri

    Bienvenue au Maroc

    Bienvenue au Maroc

    Le premier travail du matin, l'eau si précieuse ici

    Bienvenue au Maroc

    L e moulin à huile que l’âne fait tourner

    Bienvenue au Maroc

    Tamri sur la route d'Agadir

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

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  • Dimanche 8 septembre - Gerona -> Castelfields (140 Km) 

    Aujourd'hui = roulette russe.

    Ce matin, départ à 9 heures : en Espagne, on ne sert pas le petit déjeuner avant 8h30. Un brouillard à couper au couteau. Je ne vois pas arriver les montées alors prudence, je mouline. Petit à petit, le soleil perce : paysage agricole, encore quelques porcheries, des descentes très courtes, des montées très longues. Bientôt un paysage montagneux où se mêlent pins, chênes lièges et romarins, qui renvoient une bonne odeur que je respire à pleines narines. Ça monte toujours ; ça va bien finir par descendre vu que la route va longer la mer.

    Enfin une super descente ! Jamais mon compteur n'est monté aussi haut. Mais, ça ne dure pas. Tout à coup, on longe la grande bleue et je respire l'air iodé à pleins poumons. Nous passons toutes les petites villes de bord de mer jusqu'à la Jonqueras, où Bamako prend un peu de repos et moi un bon repas. Il reste 30 kilomètres pour atteindre Barcelone et nous avons déjà fait 65 kilomètres ce matin. Alors j'hésite car je sais que non seulement la traversée de la ville va être très hard mais ensuite, il faut que je roule encore pour trouver un camping. Tant pis, on ne peut pas rester ici, il n'y a rien d'intéressant. Demain, on sera enfin tranquille : mes jambes n'en peuvent plus. C'est parti pour Barcelone. Je mouille ma casquette car il fait très chaud à 14 heures. Enfin, nous arrivons dans les entrailles de cette ville immense. On ne peut plus longer la plage, ça aurait été trop simple. Et on se retrouve, comme prévu, en plein foutoir. Je demande deux ou trois fois la direction de Tarragone, jamais les mêmes versions. Je mets la boussole plein sud, une grande avenue et c'est parti. Nous roulons sur la voie des taxis et des bus pendant plusieurs kilomètres et nous grillons les feux rouges comme tout le monde. L'air est irrespirable, les cyclistes espagnols roulent avec un masque. Bamako est très fier quand il double quelques bus. La traversée de la ville dure plus de 10 kilomètres et, ce n'est pas fini. Incroyable, nous prenons un bout d'autoroute, pas le choix. Personne ne nous klaxonne, ça doit être normal. Bamako est très fier (pas moi), nous roulons comme ça pendant encore 5 kilomètres. Après, je vois une sortie, nous la prenons car je n'ai plus envie de jouer à la roulette russe. Mais ce n'est pas la bonne direction. Je ressors la boussole et toujours plein sud au milieu des HLM en brique très laids et des zones industrielles avec leurs décharges sauvages. Epuisé, je rêve d'un grand coca. Je vois un Mac Do sur ma gauche et devant, un gars avec un vélo chargé comme moi. Pendant que nous discutons, Bamako regarde l'autre vélo d'un air dédaigneux, il est bien moins beau que lui. Le gars est canadien, il est passé par Paris, Bordeaux, Madrid, et remonte sur Nice. Il s'est fait volé son compteur. Dommage, nous prenons des directions différentes, il était bien sympa.

    Avant de repartir, il me montre la direction, car il en vient et a une carte bien plus détaillée que moi. Il m'annonce des bonnes montées. Nous arrivons sur la plage de Castelfields. Je demande un camping. Je suis dégoûté, il faut que je remonte 6 Km dans l'autre sens. Je demande plusieurs fois ma route, je trouve enfin un gars qui parle bien français, il me dit de prendre sous le pont et de rouler jusqu'à un grand bâtiment. Je lui dis "mais c'est l'autoroute !" et il me répond "ça ne fait rien, vous roulez a droite, tous les vélos le font". "Ah bon ?" Alors j'exécute puis je prends une rue parallèle mais je tombe contre le grillage du camping, pas d'entrée, impossible. Alors je reprends l'autoroute et en effet toutes les entrées sont de ce côté. Je prends un emplacement le plus loin possible de la circulation. Il y a des Bordelais sympas en camping-car. Bizarrement, il y a des avions qui passent au dessus et des douches avec des persiennes où tu vois celui qui attend. Je crois que nous avons déjà campé ici il y a 20 ans et cette fois c’est vrai.

     

    Lundi 9 septembre - Castelfields -> Salou (110 Km)

    Aujourd'hui, je croyais faire une étape tranquille mais je dois déjà me retaper les 10 kilomètres que j'ai fait pour rien dans l'autre sens. Mais, au fait, comment je sors du camping puisque je suis rentré par l'autoroute ? Et bien, pas de solution pour les vélos. Soit je la reprends dans le bon sens jusqu'à une sortie (ça peut durer longtemps), soit je la reprends au bord à contresens et c'est la meilleure solution. Avant le départ, les Bordelais m'offrent une bouteille d'eau minérale car celle du camping est imbuvable. Plus loin, un jeune en scooter avec sa nana derrière a voulu faire le barbot en prenant le rond point à fond devant moi et a fait un vol plané comme je n'en n’ai jamais vu et la fille est repartie en ambulance. En m'arrêtant au poste d'essence pour demander ma route, j'assiste à une scène peu commune : un punk espagnol, tatoué de partout, s'en prend à la caissière car le poste où il devait se servir était fermé. Après, il prend une grosse crise : il jette les quilles sur la route, s'acharne à coup de pieds et de points sur le poste d'essence et arrache le tuyau d'essence. Vu comme il est parti,(ne restons pas ici ) nous reprenons la route mais je n'ai déjà plus de jambes. Je la vois à l'horizon  qui monte dans les falaises. C'est parti : petit plateau et grand pignon pour la première fois, vue superbe sur les criques mais il faut toujours prêter attention aux camions qui descendent à fond avec les remorques pleines de graviers. Ça sent le brûlé à fond ! J'en bave. Tout à coup, on me klaxonne, c'est les Bordelais du camping qui me doublent en camping car. Enfin, de temps en temps, une super descente. Je freine le moins possible pour profiter de ces bons moments.

    Nous croisons un vélo très chargé, un petit signe de la main et c’est reparti.  L'après midi, je me dirige sur Tarragone, la misère ! De contournements en contournements, rien n'est prévu pour les vélos. Je galère jusqu'à 20 heures le soir pour trouver enfin un camping en pleine ville, grâce à un espagnol sympa (il y en a), qui m'accompagne en VTT. Sinon, j'y serais encore ...

    Aucune cabine téléphonique ne fonctionne alors, je cherche un cybercafé pour passer un petit coucou. Demain, il faut absolument que je trouve un camping bien pour me reposer un ou deux jours car je suis à bout. Cette nuit je n'ai rien dormi, réveillé par de grands coups de tonnerre. Je me suis vite levé pour couvrir les sacoches et la selle de Bamako puis amarrer la tente et il n'est pas tombé une goutte.

    C'est parti pour la traversée de l'Espagne !

    Mardi 10 septembre - Salou -> Campril (17 Km) 19 
       

    Il faut absolument que je trouve un camping tranquille pour me reposer. J'ai aussi beaucoup de linge à laver car ça commence à sentir le chacal ! Mes gants qui, soit disant contiennent du gel, prennent une odeur insupportable au point que lorsque je rentre dans un endroit public, je les laisse dans une sacoche.

    Ça  y est, je vois un camping sur la gauche, j'ai envie d'aller plus loin mais, par expérience, pour peu que la route contourne encore les villes, je vais encore me taper 50 kilomètres. Alors, c'est décidé, je m'arrête. Pour une fois, la réceptionniste parle français et en plus est sympa. Le camping est au bord de la mer et bien ombragé : c'est parfait pour me reposer. Les emplacements sont comme de partout en Espagne : parc, cabane pour le chat, le chien et une petite cage pour le canari ou le chardonneret, alors qu'il y en a des quantités à l’extérieur ; il y a même des grosses perruches vertes dans les arbres.

    Côté sanitaire, c'est la même douche avec persiennes en bois pour voir celui qui attend et WC avec la tête qui dépasse de la porte. Ça doit être l’habitude  des box à chevaux. Fin de matinée, je fais une grande lessive. Un espagnol et une grosse mama, d'un air agressif, essaient de m'expliquer qu'il ne faut pas que je lave dans le bac que j'avais choisi exprès car c'est le seul qui a de l'eau chaude. Je fais semblant de ne pas comprendre. Il repart en grognant en espagnol avec sa grosse mégère. L'après midi, une petite baignade sur la plage qui, de Costa Dorada, n'a que le nom car le sable est teinté de gros reflets noirs qui sont sans doute les surplus des immenses zones industrielles et usines chimiques des villes en amont. Ça y est, je m'ennuie déjà et bizarrement j’ai déjà envie de repartir. Est-ce l'appel de la route ? Et pourtant, il faut vraiment que je me force à me reposer. Les gars du Tour de France le font, pourquoi pas moi.

    Au fait, en arrivant, j'ai pour la première fois déchargé complètement Bamako. Si il pouvait parler, il me dirait certainement Merci ! En plus, je vais en profiter pour faire une petite révision.

    Mercredi 11 septembre - journée de repos (18 Km) 

    Plage, farniente et pourtant, c’est bizarre, j’ai envie de rouler. Ce matin, j’ai un peu mal au dos, je crois que le repos ne me va pas. Tant pis, j’en ai besoin car les nuits en Espagne, on dort très mal : on vit la nuit et les espagnols sont très bruyants. Alors, dans la guitoune, difficile de fermer l’œil. Et, chose surprenante, la journée je n’ai pas sommeil. Je dois quand même me taper 18 petits kilomètres pour aller faire des courses à Miami (pas en Floride mais à Miami Plage en Espagne), où Bamako se fait un réel plaisir de rouler sans son fardeau. En plus, comble du bonheur, un marchand de vélo sympa lui a renforcé sa jambe cassée et rajouté une autre gratuitement (il y a des jours comme ça où tout baigne, allez savoir pourquoi….).

    Dans le camping, il y a un vrai couple de Marseillais, qui font péter des « fatches de cons » à tout va. Alors que j’écris quelques cartes postales, un couple de motards normands de passage s’assoit à côté de moi et nous sympathisons de suite. Ils m’offrent le guide du routard d’Andalousie 2003.

    Le personnel du camping est très sympa, à part celui que j’ai envoyé balader ce matin dans les sanitaires et qui est le patron ! (Je ne pouvais pas savoir…).

     

    Jeudi 12 septembre - Miami -> Castellon de la Plana (187 Km) 

     

    « Étape de dingue »

    Hier soir, la météo annonçait un avis de tempête. Pas étonnant, mon baromètre lombaire m’avait averti. Je demande à la réceptionniste si elle pensait qu’il allait vraiment pleuvoir. Elle me dit non car avant la pluie, elle a mal à la tête et là ça n’est pas le cas ! Alors, le pari est engagé, qui aura raison : mon dos ou sa tête ?!

    En pleine nuit, je suis réveillé en sursaut par un grand coup de tonnerre. Je regarde l’heure : 6h30. Je mets le nez dehors : des éclairs impressionnants illuminent le ciel comme en plein jour ; ça sent l’orage grave et je n’ai pas du tout envie de démonter sous la pluie. Alors, vite, je mets ma lampe frontale et me dépêche pour défaire la tente et pour tout ranger à l’abri. Finalement, fausse alerte, l’orage passe à côté et la tête a gagné ! Je mange un croissant, un jus d’orange et je dis au revoir aux gens sympas qui m’annoncent du vent dans la région où je vais (c’est coutume maintenant).

    Beaux paysages, des oliviers sur des kilomètres avec pour arrière plan la montagne, des grandes lignes droites de faux plats… Mais ça ne roule pas trop mal. Soudain, que vois-je à l’horizon…..des quantités incroyables d’éoliennes précédées par des panneaux « danger, vent violent ». Et, à l’allure où tournent leurs hélices, ce n’est pas un bon signe pour moi. Pas manqué. Un peu plus loin, je suis en plein dedans. Je reprends le petit plateau et évolue à 10 Km/heure. Enfin, je contourne la montagne, ça va mieux. Le paysage délaisse les oliviers. Maintenant se succèdent des immenses parcelles de citronniers, qui dégagent leur parfum. De temps en temps, une porcherie nous rappelle qu’il y a aussi de la charcuterie en Espagne. On voit également des champs de tomates qui sont laissées à même le sol et que l’on ramasse par terre. Je roule bien car j’ai déjà fait 90 kilomètres ce matin. L’après midi, ça se gâte : un orage carabiné. Je me réfugie in-extrémis dans une usine qui avait son grand portail ouvert. Au bout de 10 minutes, ça se calme ; je repars incognito, personne ne m’a remarqué.

    Maintenant, je découvre en bordure de route des cueilleurs d’olives qui tapent les branches avec des gaules pour les faire tomber dans les filets. Entre les oliviers poussent aussi de nombreux amandiers. Je m’arrête dans une petite ville charmante, « Torrébianca », où beaucoup d’habitants dans leurs sous-sols cassent des amandes.

    J’aurai bien passé la nuit ici mais un orage violent vient de passer et l’eau ruisselle encore dans les rues. Les bas côtés sont inondés alors, pour le camping…. ??

    J’en ai encore dans les jambes alors je décide de continuer jusqu’à la prochaine ville. Mais, une fois arrivé, je ne trouve toujours rien pour dormir. Je reprends donc la route en direction de Castellon, pensant trouver un petit hôtel routier au bord de la nationale. Mais, le premier est fermé. Je me rends donc au suivant car la nuit tombe. J’appelle. Il y a trois ou quatre piliers de bars, avec le nez en forme de fraise. La patronne arrive quinze minutes plus tard. Elle ne me salue même pas, me dévisage et m’annonce un prix exorbitant. Tant pis, je suis tellement fatigué. Je lui demande alors pour rentrer Bamako à l’intérieur, elle me demande cinq euros supplémentaires et retourne à la cuisine sans attendre ma réponse. Vexé, je prends mes clics et mes clacs et je reprends la route. Mais là, c’est le piège car la nuit est vraiment là et, en plus, orageuse. J’avale des kilomètres et des kilomètres, et rien. En plus, je suis prisonnier des barrières de sécurité de chaque côté et je cherche désespérément un endroit pour sortir. Impossible. Je m’arrête pour installer les deux phares livrés avec le vélo, qui n’éclairent pas plus qu’un vers luisant et je roule sur la bande de secours, à l’aveuglette, en espérant ne pas trébucher sur un animal écrasé, d’éclater ou exploser une jante dans un trou, tout en surveillant attentivement le rétroviseur pour parer à toute éventualité meurtrière de la part d’un camion fou !

    Je suis épuisé, mes muscles cervicaux sont tétanisés. Je fais un petit bout à pied pour me détendre et toujours pas d’issue. Je suis obligé de sortir à la prochaine ville Castellon. J’arrive en pleine zone industrielle, très lugubre, je cherche désespérément un endroit pour dormir. Trop tard pour le camping alors je fais cinq fois le tour de la ville et des rues dans tous les sens. Que des hôtels de luxe. Enfin, à 22h30, et après 187 kilomètres dans les jambes, j’en trouve un avec des prix raisonnables. Dépité, j’ai faim, j’ai soif et j’ai de la peine à y croire. Jamais je n’ai été aussi content de trouver une porte qui s’ouvre à moi. Bamako, lui, doit rester dans le hall d’entrée, avec tous ses bagages et son antivol alors je ne suis pas trop tranquille. Enfin, la prochaine fois, je serais plus vigilant et n'attendrais pas le dernier moment pour chercher à dormir.

    C'est parti pour la traversée de l'Espagne !

    Tu vois Bamako, lui aussi a des cornes !

     

    Vendredi 13 septembre - Castellon -> Silla (114 Km) 

    Journée noire, normal ?

    Ce matin, j’ai les cervicales complètement bloquées et je souffre trop. Je m’arrête pour régler la selle et les cornes de Bamako, de façon à avoir une position droite, mais toutefois pas extra pour forcer dans les côtes.

    Il a fait un orage cette nuit et des milliers de minuscules escargots sont sur la voie de droite. Nous roulons dessus pendant des kilomètres, avec un bruit de craquement indescriptible sous les pneus. Depuis la frontière, les gens en ramassent des pleins sacs le long des routes (pas de doute, on est bien en Espagne).

    Cette nouvelle position me va mieux mais je m’arrête quand même tous les 20 kilomètres. Aujourd’hui, je devrais faire une étape tranquille.

    Je ne trouve que des champs de mandariniers arrosés par des vieux canaux fermés par des petites écluses qui inondent les plantations.

    Normalement, je ne suis qu’à 58 kilomètres de Valencia. Mais, subitement, la N340 devient une voie rapide interdite aux vélos. Alors, nous, on passe où ??

    J’essaie une petite route parallèle : cul de sac. J’essaie de porter le vélo à travers un grillage pour continuer : impossible. Obligé de refaire la route à l’envers…et c’est parti. Pas le choix : je prends la voie rapide et arrive en plein dans la ville. L’horreur, tel Barcelone. Je galère tout le reste de la matinée pour sortir un peu au clair et manger dans une cafétéria en bord de mer. Et, l’après midi, c’est reparti dans la même galère. Personne ne m’indique la même direction et je roule jusqu’à 19h30 et 114 kilomètres pour n’être qu’à la sortie de Valencia. J’ai tourné en rond toute l’après midi car toutes les voies mènent sur des autoroutes. Et, pas de campings…. J’en ai marre, je ne peux pas galérer dans toutes les villes de cette sorte !

    Petites réactions du jour à la volée :

    1        Ce matin, un chien m’aboyait après depuis le rebord de la fenêtre d’une maison située au 1er étage, et fermé de l’intérieur, d’habitude c’est la place des canaris?

    2        Dans la dernière vigne de la région, j’ai mangé un énorme raisin de table

    3        Dans les bars, les Espagnols jettent leurs mégots par terre

    4        Les fossés en Espagne sont des décharges

    5        Dans les restos, le pain et l’eau ne sont jamais compris. Il n’y a jamais d’eau en carafe mais uniquement des bouteilles bouchées

     

    Samedi 14 septembre - Silla -> Calpe (120 km) 

     

    Ce matin, je pars sous la pluie et au fil des heures, elle est de plus en plus forte. La route : des lignes droites de 20 kilomètres tracées au cordeau. Les paysages ont changé entièrement : des centaines d’hectares de céréales où des moissonneuses, d’une taille ridicule en rapport à la surface, attendent que la pluie s’arrête.

    Finalement, vu la configuration du relief, je préfère qu’il pleuve à la place du vent.

    Bamako est un criminel, il a encore écrasé au moins 10000 escargots en une demi-journée. Maintenant, des champs d’orangers à perte de vue avec des montagnes à l’horizon. Une chose me fait mal au cœur : il y a plein de chiens abandonnés. Dans le fossé, en bord de route, un chiot d’environ trois mois est couché, terrorisé et me regarde d’un air suppliant. Je n’ose pas lui parler de peur qu’il ne traverse la route. Un peu plus loin, un autre court, affolé, en jonglant entre voitures et camions, qui ne lèvent même pas le pied. C’est incroyable à la vitesse que roulent les camions et c’est un petit coup au cœur à chaque fois qu’on se fait doubler car je crois qu’ici la probabilité de se faire écraser est plus grande que celle de gagner au loto.

    Nous traversons des petites villes très typiques. Dommage qu’elles soient toujours cachées par de grands immeubles inesthétiques, qui enlèvent tout leur charme.

    De temps en temps, un paysan avec âne et charrette…ou un autre qui laboure avec une mule. Certaines situations ou odeurs rappellent le Maroc. Toutes les rivières sont asséchées, je n’ai vu qu’un seul fleuve à l’eau saumâtre.

    L’après midi, direction Alicante ; ça commence à monter dans une montagne, qui devait être superbe, avant d’être défigurée par des carrières ou des constructions abusives, un véritable désastre. Je grimpe difficilement. Je voudrais pourtant me rapprocher le plus possible d’Alicante, pour traverser la ville demain en début de journée. 15 kilomètres de montée, je me dis que ça va bien redescendre à un moment ou à un autre pour arriver en bord de mer. Ça y est, la côte à l’air de se terminer. Tout d’un coup, un bruit inhabituel sur l’avant de Bamako : la roue est crevée. Je comprends maintenant pourquoi je galérais tant : la roue s’était dégonflée progressivement. Il est 18 heures. Tant pis, ça ne sert à rien de s’affoler : je démonte, après avoir enlevé toutes les sacoches et le coupable est un morceau de fil de fer, très fin, qui a traversé le pneu et qui lui-même, vient certainement d’un pneu éclaté. Je répare en me disant qu’on ne va encore pas terminer de bonne heure ce soir, enfin, c’est reparti : une descente qui nous emmène sur 11 kilomètres, à toute vitesse jusqu’à Calpe. Les campings sont tout au bout de la ville. Le premier est complet…ça commence bien. Le deuxième a de la place, impeccable. Je me pose à côté d’un couple du Lot et Garonne qui viennent en Espagne depuis des années, sans savoir pourquoi, car franchement, passer plusieurs jours ici…. ??? Enfin, ça a l’air de les distraire de me voir et ils s’occupent bien de moi. Le camping est entouré de bâtiments et hôtels si immenses que je me demande, une fois pleins, comment ils réussissent à caser tout le monde sur la minuscule plage en dessous.

    C'est parti pour la traversée de l'Espagne !

    Étalage très coloré des richesses de la terre d'Espagne. 

    Dimanche 15 septembre - Calpe -> Guardemar (114 km) 26  

     

    Ce matin, en guise de petit déjeuner, je me tape 10 kilomètres jusqu’au supermarché car j’ai très mal dormi cette nuit et il me faut absolument des remontants : jus d’orange et barres de céréales. J’attaque ensuite la montagne qui encercle la ville. La côte espagnole est une véritable catastrophe écologique à ciel ouvert. Des immeubles et villas de partout, jusqu’à la plage et sur toutes les montagnes qui devaient être superbes. A Calpe, un immense rocher fait la curiosité de la ville. Il est maintenant caché par la hauteur des bâtiments qui l’entourent. On dirait qu’on veut à tout prix rattraper le temps perdu, sans en mesurer les conséquences. Les routes sont superbes mais on n’hésite pas à faire sauter la montagne pour les faire passer. Bon, on ne va pas refaire le monde.

    En attendant, je suis obligé de mettre le plus petit plateau devant et le plus grand pignon derrière ; ça veut dire que ça grimpe ! Et en plein cagnard… En plus, ce n’est pas la grande forme. Je suis en train de payer mes étapes précédentes. Je crois que je vais prendre du repos plus tôt que prévu, tout dépend des campings que je vais trouver.

    Au fait, j’ai oublié de vous dire qu’hier, j’ai croisé le tour d’Espagne. Super organisation…la route n’avait pas été barrée et la confusion était totale : des coureurs du peloton étaient coincés au milieu des voitures.

    Bon, quand même quelques jolies descentes. Il faut absolument que j’arrive vers les 13 heures à Alicante, le temps de traverser la ville.

    Ici, en Espagne, le déjeuner se prend à 15 heures et le soir à 22 heures ; j’en ai pris l’habitude. Je mange au bord du port et c’est reparti. Et là, super, la nationale longe la plage et je traverse la cité sans encombre. Et, bien indiqué pour une fois, je n’en reviens pas !

    Après Alicante, des lignes droites à perte de vue, avec de nouveau le vent en face. Je pédale machinalement.

    Changement de paysage, on se croirait en Camargue : des marais salants, avec de nombreux oiseaux d’eau. Ensuite, la route contourne la montagne. Et là, ça grimpe à nouveau, en plein soleil. Quelques descentes, dans lesquelles Bamako ne s’emballe pas, à cause du vent ; et, dernière grande montée sur le petit plateau avant Guardemar. Les kilomètres annoncés sur les panneaux ne sont jamais très fiables. J’ai envie d’aller plus loin mais il est déjà 18 heures, je vais donc en rester là. Je trouve un camping : s’il me plait, je resterais deux jours. J’ai besoin de laver des affaires, de réviser Bamako et de laisser cicatriser quelques infections mal placées. On me donne mon emplacement. Je tombe à côté d’un jeune couple de hollandais qui parlent un peu notre langue et des jeunes Belges, tous super sympas. D’emblée, ils me demandent où je vais et ils m’offrent une bière fraîche. Je suis bien tombé. Je vais pouvoir me refaire une santé et faire le point sur ma situation.

    Question du jour : pourquoi y a t il autant d’escargots en Espagne ?

    Lundi 16 septembre - Guardemar (repos) 27  

     

    Je suis tombé dans l’unique camping de la ville, d’un luxe et d’une propreté incroyable. Je n’ai jamais vu ça de mémoire de campeur. Des douches de la grandeur de notre salle de bain, une piscine immense, jacuzzi, salle de musculation, animation, resto d’une beauté incroyable et d’une propreté incomparable ; ça ne fait pas très routard  mais c’est moins cher qu’à l’hôtel…alors tant pis. Toutefois, dès que vous sortez de l’enceinte de ce paradis, c’est l’enfer. Plusieurs canaux, qui se jettent dans la mer, sont de véritables égouts, où se côtoient des amas de bouteilles et détritus de toutes sortes : bidons d’huile, plastiques, cadavres d’animaux…etc. Au milieu de tout ça, de nombreux pêcheurs se fraient des passages pour tremper leur fil au milieu des ordures. Du coup, ça me gave et je n’ai pas envie de rester un jour de plus ici.

    Mardi 17 septembre - Guardemar -> Puerto de Mazzeron (118 Km)

     

    Au bout de quelques kilomètres, ça tire grave sur mes muscles cervicaux, je ne peux plus tourner la tête. J’ai du me faire une petite déchirure en m’étirant à froid.

    Côté paysages, rien d’extraordinaire : de temps en temps, je vois la mer. J’essaie de faire un maximum de kilomètres jusqu’à 13h30, environ 70. Aujourd’hui, je n’ai pas de jambes. Hier soir, au camping, les Hollandais m’ont offert le repas du soir alors que j’avais prévu de me faire des pâtes. Alors, dîner convivial mais Hollandais !…et pauvre en calories. Par contre, je regrette les quelques bières que nous avons bues ensemble car ce matin, j’avais un pic-vert dans la tête dans les montées ensoleillées.

    Enfin, Carthagena ; pour traverser la ville, un pizzaïolo me montre la route en scooter. Heureusement car c’est assez compliqué. Beaucoup de maraîchage, arrosé par des petites rigoles entre chaque ligne de plantation, et puis d’immenses serres en plastique. Et voilà, maintenant vous savez que les tomates d’Espagne ne sont pas mûries directement au soleil.

    J’échappe de justesse à deux gros orages. Ensuite, nous contournons la montagne, avec des paysages typiques : ânes, charrettes et vieilles fermes qu’on  diraient inhabitées

    Soudain, j’aperçois la route au loin, qui monte en lacets en face dans la montagne. Quelle grimpette ! Je la sens mal et, en plus, il fait très chaud. Tant pis, il faut y aller, on n’a pas le choix. A mi-parcours, nous calons. Je monte 1 kilomètre à pieds pour me reprendre et c’est reparti jusqu’au sommet. Ensuite, quelle descente ! Je laisse tout aller et je respire à pleins poumons pour me ré oxygéner. J’arrive à Mazzeron, en bord de plage, où je trouve un camping.

    Mercredi 18 septembre - Mazzeron -> Los Galardos (110 km) 

     

    Ce matin, je me lève tôt. Pas de chance, la réception est fermée et n’ouvre qu’à 9 heures. Je vais en ville pour boire un café, il est trop tôt. Heureusement, un petit supermarché est ouvert. Alors j’achète du jus d’oranges, deux ou trois gâteaux et me voilà parti. Ce matin, en visualisant  la route sur la carte, je m’y attendais un peu, j’attaque par une montée qui va durer 35 kilomètres dans la montagne désertique et en plein soleil. Dès le début, je trouve que l’on n’avance pas. Je crois que c’est la faute à Bamako car on dirait que la roue de devant retient. J’en bave, nous sommes en dessous de 10 Km/heure. Je n’ai pas le moral, je jure, je déteste l’Espagne et les espagnols. Je m’arrête, enlève les sacoches, dévisse les roues,  huile les moyeux…etc. Je cherche des excuses et en fait, je me rends compte que Bamako va bien…et que c’est moi qui n’avance pas et que ça monte plus que ça ne paraît. Tout à coup, un coup de klaxon. Je regarde dans le rétro : un camion fou nous fonce dessus. Je saute dans le fossé, il ne fait même pas un écart, c’est un assassin, je l’insulte. Je nous vois comme tous ces chiens écrasés, dont personne ne prête attention. Il y en a tous les kilomètres. Finalement, ce sont peut-être eux qui se suicident, vu le sort qui leur est réservé : attachés à un tonneau par 40 degrés ou fermés dans le clos d’une usine, en plein soleil, pour la surveiller. Sans parler du sort des nombreux taureaux, qui n’ont aucune chance. Dieu reconnaît-il les animaux ?

    Ça y est, je suis en colère. Il est 13h30 et je n’en peux plus, je n’ai plus d’eau et j’ai faim. Je fais un détour pour me rendre à un village : il n’y a rien d’ouvert et personne ne bouge. Le prochain est à 15 kilomètres et ça monte toujours. J’ai très soif. Après énormément d’efforts, nous arrivons. Ah, il y a un café. Je demande de suite un coca avec plein de glaçons, je crois rêver.

    Dans tous les bars, il y a des petites vitrines, avec des assortiments de charcuterie, des brochettes de viande, poisson, poulet, pigeon…etc. Ce sont des bars à Tapas : vous montrez ce que vous désirez, il vous le fait griller derrière et vous grignotez avec les doigts sur le comptoir, en sirotant un verre.

    Une fois requinqués, on reprend la route, plate cette fois, avec quelques descentes et un paysage incroyable : des centaines d’hectares de serres en plastique tapissent tout le paysage à perte de vue. Ensuite, paysages de westerns et jolis petits villages entourés de barrières de figues de Barbarie : nous sommes en Andalousie. De temps en temps, des maisons troglodytes, pour mieux garder la fraîcheur. C’est le plus beau paysage que j’ai vu depuis mon départ.

    Le temps passe plus vite, il est déjà 17h30. La nationale 334 se termine et se transforme en N340, avec un gros panneau d’interdiction aux vélos, bestiaux, mobylettes ainsi qu’une pancarte « Autopista » (qui veut dire voie rapide). Et nous, on fait comment ??

    C'est parti pour la traversée de l'Espagne !

    Et nous,on passent où ?

    Pas d’autre issue, alors je reste devant le panneau et fais signe aux voitures pour leur demander la solution. Déjà, très peu s’arrêtent et dans ceux qui le font, certains me disent de faire un détour par Tataouine : ils n’ont pas vu que j’étais à vélo ???!!! D’autres me disent de passer malgré l’interdiction. Lorsque ce sont des camions ou camionnettes, je leur demande de mettre Bamako derrière et de m’emmener, tous refusent. Je prends la haine et je m’engage sur la voie rapide. Si les guardias m’arrêtent, il faudra qu’ils m’expliquent la solution. Je roule bien sur la droite en ne lâchant pas le rétro des yeux, en prévision des gros bahuts qui arrivent à 140 Km/h et me font faire à chaque fois un écart d’un mètre avec le déplacement d’air !

    Personne ne me klaxonne, essayez de faire ça chez nous…

    Je roule jusqu’à 18h30. Ces voies rapides font des détours incroyables, c’est uniquement fait pour les automobilistes. Je crois qu’arrivé à Algesiras, j’aurai largement dépassé les 2000 kilomètres alors que j’en avais prévu 1800. Je trouve un petit relais routier pour me reposer en attendant d’avoir les idées plus claires demain.

    C'est parti pour la traversée de l'Espagne !


    Jeudi 19 septembre -  Los Galardos -> Almeria (140 km) 

     

    Après une bonne nuit, je vais peut-être plus facilement retrouver ma direction. J’arrive au premier rond point, direction Almeria, aucune autre solution. Une seule issue, l’autopista, avec les mêmes panneaux d’interdiction aux vélos.

    Tant pis, je prends cette voie pendant 4 kilomètres, jusqu’à la prochaine sortie. Et là, miracle, je retrouve l’ancienne nationale, une jolie petite route qui traverse l’Andalousie, avec son beau décor et ses petits villages.

    Ça monte pas mal mais le paysage n’est pas monotone. Plus tard, paysage montagneux de westerns. Nous passons ensuite devant Fort Bravo, lieu hollywoodien où sont tournés de nombreux films. Après beaucoup de montées, une très belle descente, qui débouche sur un rond point, avec de nouveau les interdictions aux deux roues. Je vois la guardia civil, ça tombe bien ! Je leur demande des explications. Ils ne m’écoutent pas mais me font signe de les suivre. Une centaine de mètres plus loin, ils m’engagent sur une petite route, qui n’est même pas indiquée, et c’est la bonne ! Vu que les automobilistes prennent tous les nouvelles voies, ils n’ont pas pris la peine de signaler les anciennes. Pendant midi, un Espagnol parlant très bien français et très sympathique me demande d’où je viens et me conseille ensuite de prendre un car jusqu’à Algesiras. Il insiste même pour m’emmener vers la caissière de la gare routière, où il fait l’interprète. Elle lui explique que le départ est pour demain 8 heures et qu’il faut empaqueter les roues et le pédalier avec du carton. C’est vrai que ça me ferait gagner le temps perdu et me permettrait de me reposer mais je demande à Bamako, qui n’est pas d’accord. Alors, nous continuons notre route…. !

    Après Almeria, le paysage est un océan de plastique : de la montagne à la mer, incroyable, des serres à perte de vue, où l’on cultive de la tomate. La moindre parcelle est occupée par une serre, même aux endroits les plus inaccessibles. Je me suis laissé entendre dire que beaucoup de main d’œuvre en situation irrégulière, notamment des Marocains, est exploitée par ces gros maraîchers, qui gagnent de l’or.

    Pour rejoindre un camping en bord de mer, je suis obligé de passer dans ce labyrinthe, par des petites routes où je ne vois jamais l’issue.

    Ça renifle le pesticide à pleins poumons. Après un gros orage, devinez où peuvent se rendre tous ces produits toxiques ??

    Je vois des ouvriers traiter, contre le vent et sans masque. C’est aberrant. Je me demande d’où vient l’eau pour arroser toutes ces plantes.

    Une fois sorti de ce piège, je dois remonter 10 kilomètres au nord pour trouver un camping. Car le seul qu’il y avait dans la ville est fermé, et pas question de faire du camping sauvage car, non seulement c’est interdit mais les guardias se cachent pour surprendre les campings cars ou autres intrus et leur infliger un PV !

    C'est parti pour la traversée de l'Espagne !

     

    Vendredi 20 septembre - Almeria -> La Herradura (114 Km) 34  

     

    Ce matin, je refais amèrement les dix bornes qui m’ont emmenées au camping, à l’opposé de ma direction, après une nuit d’à peine trois heures, à cause du raffut infernal d’une famille espagnole, qui se croyait apparemment seule (cris, rires, manœuvres en voiture et parties de scrabble).

    Au départ, à moitié endormi, j’ai manqué de faire tomber Bamako et, en le retenant, j’ai senti une énorme brûlure musculaire le long de la colonne et j’ai crains le pire : finir mon périple pour une bêtise. Je roule prudemment et ça a l’air d’aller, je n’en reviens pas. Les premières montées, toujours difficiles et toujours ce problème de direction. Après divers renseignements, je trouve la bonne route, qui monte dans les falaises, au-dessus de la mer. Sacrée montée mais très belle vue sur les criques. Et ensuite, de nouveau des centaines d’hectares de serres, quel gâchis. En plus, même où le paysage est beau, il est très difficile de faire une photo sans une bouteille vide ou un plastique, et il ne faut pas trop regarder en contrebas de la route, qui sert souvent de décharge sauvage. Succession de montées et de descentes abruptes, où je me tape des 55 Km/h. Et, ensuite, la côte me cale d’un coup et c’est mortel pour mes petites jambes. Sur le parcours, j’ai dû passer une dizaine de tunnels, très dangereux car non éclairés, et sans bande pour les deux roues. Alors, dès que j’en approche un, je m’arrête pour regarder loin derrière moi qu’il ne vienne pas de camion et, la peur au ventre, je pédale comme un fou pour traverser de l’autre côté. De temps en temps, je n’ai pas le temps alors, dès que j’entends un poids lourd derrière moi, je cramponne mon guidon pour ne pas rebondir contre la bordure et je prie pour que ça passe. J’ai aussi très peur de rouler sur un objet ou un trou que je ne vois pas qui me fasse chuter sur la chaussée car là je n’aurais aucune chance.

    Plus loin, je vois deux couples de chevreuils en équilibre au-dessus de la route, qui cherchent certainement un point d’eau pour se désaltérer.

    Bon, assez pour aujourd’hui. Je trouve sur ma route un charmant petit camping en bord de mer, très simple et planté d’arbres exotiques. Devant la réception, la plus petite cage que je n’ai jamais vue et je crois qu’elle doit être unique au monde. Environ 20 cm par 20, avec un perchoir et un miroir

     sur l’autre face, pour que la perruche croie qu’elle n’est pas seule. Ici, il ne doit pas non plus exister de bon dieu pour les oiseaux !

    Réaction à chaud : je pense qu’en Espagne, les animaux écrasés remplacent les bornes kilométriques : les chiens pour les kilomètres et les chats pour les centaines de mètres, je ne voudrais pas moi-même remplacer celles ci

    Samedi 21 septembre -  La Herradura (repos) 35  

     

     

    Eh oui ! C’était les seuls français qui sont arrivés au camping le soir de ma journée de repos et veille de mon départ. Dommage, on a sympathisé de suite et, une heure après, on se retrouvait ensemble autour d’une bonne paella. Diana est d’origine espagnole et nous a servi de guide et interprète. Son copain, Stéphane, adore le VTT et n’a pas pu s’empêcher d’essayer Bamako chargé. Ils font tous les deux beaucoup de randonnée pédestre, entre autre le chemin de Saint Jacques de Compostelle.

    Magali et Philippe sont motards depuis peu. Lui, est passionné d’escalade, comme une certaine Alex. Elle, adore la plongée mais le problème est qu’elle se prend pour un dauphin et ne veut plus remonter. Demain, ils ont décidé d’aller faire de la plongée en apnée. Avant de me quitter, ils m’ont décris la route de Malaga qui m’attend avec, au programme, belles grimpettes dans les falaises en perspective

    C'est parti pour la traversée de l'Espagne !

     

     

    .C'est parti pour la traversée de l'Espagne !

     Maison troglodyte dans le sud de l'Espagne.

     

    Dimanche 22 septembre - La Herradura -> Fuengirola (110 Km) 

     

    Au revoir les petits français, quel dommage que ces si belles rencontres soient éphémères mais la route m'appelle si je veux parvenir à mon but. Encore obligé d'attendre 9h 30 que la réception ouvre. Et c'est reparti pour une belle journée et pour une belle montée. Je n’attaque pas trop mal. Ma journée de repos et la paella me rendent service. Super paysage et une vue imprenable sur la mer. Ensuite, ça redescend puis faux plat. Et notre pire ennemi, le vent, se met à souffler très fort. Tout le matin, j'avance au ralenti. Horrible ce vent, je préfère dix fois les montées. Aujourd'hui dimanche, merci le ministre des transports, les camions ne roulent pas. Par contre, c'est le jour des motards et il y en a énormément, ils se prennent tous pour Crivillier. Ça roule au taquet ! Il faut dire que les routes sont superbes pour la moto. Je roule jusqu'à 14h30, tous les magasins sont fermés alors, je me paie une friture de mer au resto. Les gens arrivent pour manger vers les 15 heures, des familles entières, c'est leur jour de sortie. Les mamas sont parées de leur plus belle robe ainsi que toute la panoplie de bijoux qui vont avec.

    Cette après midi, deux vélos aussi chargés que Bamako me précèdent. Je les rattrape et essaie de taper la conversation mais c’est difficile car ils sont finlandais. Alors, nous roulons ensemble en se faisant des petits signes et des sourires car ça, c'est international. Et, plus loin, on s'arrête à une station, ils m'offrent une grande bière ! Ils dévisagent Bamako (très fier) et me demandent que je les prenne en photo devant lui avec leur appareil (encore plus fier). J'ai compris qu'ils reliaient une ville d'Espagne qui était jumelée avec la leur. Alors, une fois arrivés vers le panneau, ils sautent de joie parce qu'ils ont fini leur périple et me demandent de les prendre trois fois en photo devant le panneau, au cas où ça raterait. Je leur dis au revoir, et eux me souhaitent bonne chance. Je continue jusqu'à Fuengirola pour un nouveau camping.

    C'est parti pour la traversée de l'Espagne !

     

    Lundi 23 septembre - Fuengirola -> Santa Roque (100 Km) 39  

    Aujourd'hui, la journée avait bien commencé : pas trop de vent, bonne route, je devrais atteindre les alentour d’ Algesiras A midi, j'achète à manger dans une grande surface qui commence par un C et qui finit par un R, vous savez, les même qu'en France mais je n'ai pas le droit de citer de marques !! Je mange devant le magasin. On me regarde avec dégoût. J'aurai dû mettre une boîte devant moi, quelqu'un m'aurait peut-être jeté des pièces !

    Avant de repartir, je vérifie machinalement la pression des pneus et là, mauvaise surprise : le pneu arrière est coupé à trois endroits et la chambre forme des abcès à travers. En plus, sur le côté, la carcasse est foutue. J'ai dû le couper soit le jour où j'ai roulé la nuit, soit sous le tunnel avec des bouts de ferraille. Pas de problème,  je vais aller au rayon cycle en acheter un. Je rentre et surprise, il n'y a que des vélos entiers et aucun accessoire ! Je rachèterai bien un vélo de rechange mais je ne sais pas rouler avec deux vélos ! Donc je repars bredouille. Une seule solution : dégonfler un peu pour réduire les abcès et je mets un peu de sparadrap sur les coupures. Ce sparadrap était destiné à ma pharmacie et non à celle de Bamako. Ce qui fait dire qu'après, si je me coupe, je serai obligé de mettre une rustine ! Je ne sais pas combien de temps il va tenir mais j'espère qu'il m'emmènera jusqu'au prochain réparateur et pas trop loin de préférence. Je fais très attention où je roule, j'évite les cailloux. Puis j'arrive enfin à la première ville. Je demande un réparateur à un balayeur, qui se retourne et refuse de me répondre. Après deux ou trois autres échecs (incroyable), un gars accepte quand même de me renseigner mais m'envoie chez un réparateur de moto qui, comme par hasard, ne peut rien pour moi. Mais, bonne nouvelle, il me dit qu'il existe un marchand de cycles dans la ville. Il m'indique sommairement dans sa langue et avec des gestes un coup à droite, un coup à gauche, ce qui fait qu'après avoir fait au moins trois tours de ville, je trouve par miracle ce magasin trop attendu.

    Je rentre, personne mais je vois un gars dehors avec un escabeau contre le mur. Il ne me regarde même pas. Pourtant, des gars en VTT avec un chargement tel que le mien ne passent pas inaperçus. Je l'interpelle et lui demande si le magasin est ouvert. Avec ses doigts, il me fait signe "cinq minutes" alors je patiente. Dix minutes passent, ensuite vingt. Il me repasse trois fois devant sans me prêter attention en discutant avec un collègue. Il est en train de démonter une enseigne. Ils finissent alors je me dis que c'est bon mais là, il commence à installer l'autre. Alors s'en est trop, je le rappelle et il me dit " vingt minutes ". Alors là je pète les plombs. Je lui demande si c'est parce que je suis français qu'il ne veut pas me servir. Et là, avec son collègue, ils se mettent à se foutre vraiment de ma gueule ! Alors j'explose et le traite de tous les noms d'oiseaux espagnols et je repars après avoir perdu énormément de temps. Je roule avec toujours l'appréhension d'éclater. Je traverse plein de petites villes sur 50 kilomètres et, insensé, aucun réparateur de vélo ! J'ai gâché toute mon après midi. Je m'arrête dans le premier camping que je trouve avant algesiras, toujours sans pneu de rechange et avec la chance qu'il ait tenu le coup. Dans le camping, je trouve un couple de français de la Drôme en voiture. Je leur raconte ma mésaventure en leur expliquant que j'aimerai aller jusqu'à la prochaine ville acheter un pneu mais que j'ai trop peur de la crevaison, tout en espérant qu'ils me proposent de m'emmener en voiture (solidarité française). Et bien non, ça ne leur a malheureusement jamais effleuré l'esprit. Alors tant pis, je campe sur ma défaite. Dans ce camping, il y a des toiles tendues sur des fils de fer pour l'ombre, comme dans la plupart des campings espagnols. Alors, je monte la guitoune dessous comme ça le matin elle n'est pas humide.

    Mardi 24 septembre - Santa Roque -> Algesiras (50 Km) 

     

    Après ma journée agitée d'hier, nuit bruyante espagnole : des rires, des cris, un bruit infernal. Je regarde l'heure, 3h30, impossible de fermer l’œil. De plus, après ce qu'ils m'ont fait hier, je les déteste tous. Sur le point de me rendormir, j'entends marcher dans les graviers, à côté de ma tente et de Bamako. Mais difficile en camping de localiser les bruits. Le matin, en me levant pour aller aux toilettes, je comprends enfin : il y a une vache dans le camp qui se ballade pour brouter entre les toiles. Imaginez qu'elle monte sur ma petite toile, ça aurait été le clou ! J'aurai même détesté les bovins espagnols... Vu que Bamako a des cornes, elle l'a peut-être pris pour un taureau. Heureusement que tous les jours ne se ressemblent pas et les mauvais permettent de mieux apprécier les bons. De toute façon, aujourd'hui, c'est foutu pour le ferry car je ne souhaite pas arriver à Tanger (soit disant la ville de tous les dangers) la nuit. Ils m'ont encore fait perdre une journée. Alors, on va chercher tranquillement une paire de pneus car j'ai bien peur qu'avec l'usure, celui de devant me fasse le même coup. Il me faut aussi une chambre à air. J'arrive à Linea, une grande ville à côté de Gibraltar. Je demande successivement à quatre personnes un marchand de cycles. Aucun ne m'indique la même direction. Décidément, ici on ne peut compter que sur soi-même. Alors je sillonne les rues en plein marché, on se croirait déjà au Maroc. Finalement, un jeune en scooter me donne le bon plan, un marchand de vélo, je n'y croyais plus. Je suis comme un gamin devant une vitrine de jouets, émerveillé. Avec tout de même une petite appréhension : et s'il n'y en avait pas ? (Car dans le magasin, je ne vois que des cycles). Une dame me reçoit et me fait monter des grands escaliers. Et là, sous les toits, incroyable, la caverne d'Ali Baba. Des pneus dans tous les sens : sur les murs, au plafond, par terre, de partout. Je trouve ma vie, c'est super ! Je m'éloigne dans un endroit tranquille, près du port. Je tombe toutes les sacoches et c'est parti, je remets l'arrière train de Bamako à neuf. Je reprends ensuite la route jusqu'à Algesiras, non sans avoir admiré le fabuleux rocher de Gibraltar qui regarde l'Afrique face à lui. Algesiras, ville hostile mais merveilleuse. Car, pour moi, c'est la fin de l'Espagne maudite, si ce n'est quelques supers rencontres dans les campings avec d'autres européens, français et hollandais et les très beaux paysages d'Andalousie. J'ai malheureusement très peu de souvenirs positifs de nos voisins, que je quitterai sans regret. Et je me demande encore comment je suis sorti vivant d'ici. Lorsque je les observe rouler, je n'arrive pas à croire que je prenais la même route qu'eux. Bon, je vais prendre mes billets pour le ferry de demain. Impossible de marchander. Tous me font payer Bamako comme une moto, idem que dans les campings et hôtels. Je leur propose alors d'aller faire un tour avec tous les bagages, ils verront si c'est une moto. Fini l'Europe, avec 2167 kilomètres au compteur. Je ne retiens de l'Espagne que deux mots : urbanisation et autopistas. Et demain, de l'autre côté du grand rocher de Gibraltar et de la mer, l'Afrique et une nouvelle aventure qui commence…

    C'est parti pour la traversée de l'Espagne !

    Le rocher de Gibraltar

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     


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  • Paris dernière partie

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    N°36

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