• C'est parti pour la traversée de l'Espagne !

    Dimanche 8 septembre - Gerona -> Castelfields (140 Km) 

    Aujourd'hui = roulette russe.

    Ce matin, départ à 9 heures : en Espagne, on ne sert pas le petit déjeuner avant 8h30. Un brouillard à couper au couteau. Je ne vois pas arriver les montées alors prudence, je mouline. Petit à petit, le soleil perce : paysage agricole, encore quelques porcheries, des descentes très courtes, des montées très longues. Bientôt un paysage montagneux où se mêlent pins, chênes lièges et romarins, qui renvoient une bonne odeur que je respire à pleines narines. Ça monte toujours ; ça va bien finir par descendre vu que la route va longer la mer.

    Enfin une super descente ! Jamais mon compteur n'est monté aussi haut. Mais, ça ne dure pas. Tout à coup, on longe la grande bleue et je respire l'air iodé à pleins poumons. Nous passons toutes les petites villes de bord de mer jusqu'à la Jonqueras, où Bamako prend un peu de repos et moi un bon repas. Il reste 30 kilomètres pour atteindre Barcelone et nous avons déjà fait 65 kilomètres ce matin. Alors j'hésite car je sais que non seulement la traversée de la ville va être très hard mais ensuite, il faut que je roule encore pour trouver un camping. Tant pis, on ne peut pas rester ici, il n'y a rien d'intéressant. Demain, on sera enfin tranquille : mes jambes n'en peuvent plus. C'est parti pour Barcelone. Je mouille ma casquette car il fait très chaud à 14 heures. Enfin, nous arrivons dans les entrailles de cette ville immense. On ne peut plus longer la plage, ça aurait été trop simple. Et on se retrouve, comme prévu, en plein foutoir. Je demande deux ou trois fois la direction de Tarragone, jamais les mêmes versions. Je mets la boussole plein sud, une grande avenue et c'est parti. Nous roulons sur la voie des taxis et des bus pendant plusieurs kilomètres et nous grillons les feux rouges comme tout le monde. L'air est irrespirable, les cyclistes espagnols roulent avec un masque. Bamako est très fier quand il double quelques bus. La traversée de la ville dure plus de 10 kilomètres et, ce n'est pas fini. Incroyable, nous prenons un bout d'autoroute, pas le choix. Personne ne nous klaxonne, ça doit être normal. Bamako est très fier (pas moi), nous roulons comme ça pendant encore 5 kilomètres. Après, je vois une sortie, nous la prenons car je n'ai plus envie de jouer à la roulette russe. Mais ce n'est pas la bonne direction. Je ressors la boussole et toujours plein sud au milieu des HLM en brique très laids et des zones industrielles avec leurs décharges sauvages. Epuisé, je rêve d'un grand coca. Je vois un Mac Do sur ma gauche et devant, un gars avec un vélo chargé comme moi. Pendant que nous discutons, Bamako regarde l'autre vélo d'un air dédaigneux, il est bien moins beau que lui. Le gars est canadien, il est passé par Paris, Bordeaux, Madrid, et remonte sur Nice. Il s'est fait volé son compteur. Dommage, nous prenons des directions différentes, il était bien sympa.

    Avant de repartir, il me montre la direction, car il en vient et a une carte bien plus détaillée que moi. Il m'annonce des bonnes montées. Nous arrivons sur la plage de Castelfields. Je demande un camping. Je suis dégoûté, il faut que je remonte 6 Km dans l'autre sens. Je demande plusieurs fois ma route, je trouve enfin un gars qui parle bien français, il me dit de prendre sous le pont et de rouler jusqu'à un grand bâtiment. Je lui dis "mais c'est l'autoroute !" et il me répond "ça ne fait rien, vous roulez a droite, tous les vélos le font". "Ah bon ?" Alors j'exécute puis je prends une rue parallèle mais je tombe contre le grillage du camping, pas d'entrée, impossible. Alors je reprends l'autoroute et en effet toutes les entrées sont de ce côté. Je prends un emplacement le plus loin possible de la circulation. Il y a des Bordelais sympas en camping-car. Bizarrement, il y a des avions qui passent au dessus et des douches avec des persiennes où tu vois celui qui attend. Je crois que nous avons déjà campé ici il y a 20 ans et cette fois c’est vrai.

     

    Lundi 9 septembre - Castelfields -> Salou (110 Km)

    Aujourd'hui, je croyais faire une étape tranquille mais je dois déjà me retaper les 10 kilomètres que j'ai fait pour rien dans l'autre sens. Mais, au fait, comment je sors du camping puisque je suis rentré par l'autoroute ? Et bien, pas de solution pour les vélos. Soit je la reprends dans le bon sens jusqu'à une sortie (ça peut durer longtemps), soit je la reprends au bord à contresens et c'est la meilleure solution. Avant le départ, les Bordelais m'offrent une bouteille d'eau minérale car celle du camping est imbuvable. Plus loin, un jeune en scooter avec sa nana derrière a voulu faire le barbot en prenant le rond point à fond devant moi et a fait un vol plané comme je n'en n’ai jamais vu et la fille est repartie en ambulance. En m'arrêtant au poste d'essence pour demander ma route, j'assiste à une scène peu commune : un punk espagnol, tatoué de partout, s'en prend à la caissière car le poste où il devait se servir était fermé. Après, il prend une grosse crise : il jette les quilles sur la route, s'acharne à coup de pieds et de points sur le poste d'essence et arrache le tuyau d'essence. Vu comme il est parti,(ne restons pas ici ) nous reprenons la route mais je n'ai déjà plus de jambes. Je la vois à l'horizon  qui monte dans les falaises. C'est parti : petit plateau et grand pignon pour la première fois, vue superbe sur les criques mais il faut toujours prêter attention aux camions qui descendent à fond avec les remorques pleines de graviers. Ça sent le brûlé à fond ! J'en bave. Tout à coup, on me klaxonne, c'est les Bordelais du camping qui me doublent en camping car. Enfin, de temps en temps, une super descente. Je freine le moins possible pour profiter de ces bons moments.

    Nous croisons un vélo très chargé, un petit signe de la main et c’est reparti.  L'après midi, je me dirige sur Tarragone, la misère ! De contournements en contournements, rien n'est prévu pour les vélos. Je galère jusqu'à 20 heures le soir pour trouver enfin un camping en pleine ville, grâce à un espagnol sympa (il y en a), qui m'accompagne en VTT. Sinon, j'y serais encore ...

    Aucune cabine téléphonique ne fonctionne alors, je cherche un cybercafé pour passer un petit coucou. Demain, il faut absolument que je trouve un camping bien pour me reposer un ou deux jours car je suis à bout. Cette nuit je n'ai rien dormi, réveillé par de grands coups de tonnerre. Je me suis vite levé pour couvrir les sacoches et la selle de Bamako puis amarrer la tente et il n'est pas tombé une goutte.

    C'est parti pour la traversée de l'Espagne !

    Mardi 10 septembre - Salou -> Campril (17 Km) 19 
       

    Il faut absolument que je trouve un camping tranquille pour me reposer. J'ai aussi beaucoup de linge à laver car ça commence à sentir le chacal ! Mes gants qui, soit disant contiennent du gel, prennent une odeur insupportable au point que lorsque je rentre dans un endroit public, je les laisse dans une sacoche.

    Ça  y est, je vois un camping sur la gauche, j'ai envie d'aller plus loin mais, par expérience, pour peu que la route contourne encore les villes, je vais encore me taper 50 kilomètres. Alors, c'est décidé, je m'arrête. Pour une fois, la réceptionniste parle français et en plus est sympa. Le camping est au bord de la mer et bien ombragé : c'est parfait pour me reposer. Les emplacements sont comme de partout en Espagne : parc, cabane pour le chat, le chien et une petite cage pour le canari ou le chardonneret, alors qu'il y en a des quantités à l’extérieur ; il y a même des grosses perruches vertes dans les arbres.

    Côté sanitaire, c'est la même douche avec persiennes en bois pour voir celui qui attend et WC avec la tête qui dépasse de la porte. Ça doit être l’habitude  des box à chevaux. Fin de matinée, je fais une grande lessive. Un espagnol et une grosse mama, d'un air agressif, essaient de m'expliquer qu'il ne faut pas que je lave dans le bac que j'avais choisi exprès car c'est le seul qui a de l'eau chaude. Je fais semblant de ne pas comprendre. Il repart en grognant en espagnol avec sa grosse mégère. L'après midi, une petite baignade sur la plage qui, de Costa Dorada, n'a que le nom car le sable est teinté de gros reflets noirs qui sont sans doute les surplus des immenses zones industrielles et usines chimiques des villes en amont. Ça y est, je m'ennuie déjà et bizarrement j’ai déjà envie de repartir. Est-ce l'appel de la route ? Et pourtant, il faut vraiment que je me force à me reposer. Les gars du Tour de France le font, pourquoi pas moi.

    Au fait, en arrivant, j'ai pour la première fois déchargé complètement Bamako. Si il pouvait parler, il me dirait certainement Merci ! En plus, je vais en profiter pour faire une petite révision.

    Mercredi 11 septembre - journée de repos (18 Km) 

    Plage, farniente et pourtant, c’est bizarre, j’ai envie de rouler. Ce matin, j’ai un peu mal au dos, je crois que le repos ne me va pas. Tant pis, j’en ai besoin car les nuits en Espagne, on dort très mal : on vit la nuit et les espagnols sont très bruyants. Alors, dans la guitoune, difficile de fermer l’œil. Et, chose surprenante, la journée je n’ai pas sommeil. Je dois quand même me taper 18 petits kilomètres pour aller faire des courses à Miami (pas en Floride mais à Miami Plage en Espagne), où Bamako se fait un réel plaisir de rouler sans son fardeau. En plus, comble du bonheur, un marchand de vélo sympa lui a renforcé sa jambe cassée et rajouté une autre gratuitement (il y a des jours comme ça où tout baigne, allez savoir pourquoi….).

    Dans le camping, il y a un vrai couple de Marseillais, qui font péter des « fatches de cons » à tout va. Alors que j’écris quelques cartes postales, un couple de motards normands de passage s’assoit à côté de moi et nous sympathisons de suite. Ils m’offrent le guide du routard d’Andalousie 2003.

    Le personnel du camping est très sympa, à part celui que j’ai envoyé balader ce matin dans les sanitaires et qui est le patron ! (Je ne pouvais pas savoir…).

     

    Jeudi 12 septembre - Miami -> Castellon de la Plana (187 Km) 

     

    « Étape de dingue »

    Hier soir, la météo annonçait un avis de tempête. Pas étonnant, mon baromètre lombaire m’avait averti. Je demande à la réceptionniste si elle pensait qu’il allait vraiment pleuvoir. Elle me dit non car avant la pluie, elle a mal à la tête et là ça n’est pas le cas ! Alors, le pari est engagé, qui aura raison : mon dos ou sa tête ?!

    En pleine nuit, je suis réveillé en sursaut par un grand coup de tonnerre. Je regarde l’heure : 6h30. Je mets le nez dehors : des éclairs impressionnants illuminent le ciel comme en plein jour ; ça sent l’orage grave et je n’ai pas du tout envie de démonter sous la pluie. Alors, vite, je mets ma lampe frontale et me dépêche pour défaire la tente et pour tout ranger à l’abri. Finalement, fausse alerte, l’orage passe à côté et la tête a gagné ! Je mange un croissant, un jus d’orange et je dis au revoir aux gens sympas qui m’annoncent du vent dans la région où je vais (c’est coutume maintenant).

    Beaux paysages, des oliviers sur des kilomètres avec pour arrière plan la montagne, des grandes lignes droites de faux plats… Mais ça ne roule pas trop mal. Soudain, que vois-je à l’horizon…..des quantités incroyables d’éoliennes précédées par des panneaux « danger, vent violent ». Et, à l’allure où tournent leurs hélices, ce n’est pas un bon signe pour moi. Pas manqué. Un peu plus loin, je suis en plein dedans. Je reprends le petit plateau et évolue à 10 Km/heure. Enfin, je contourne la montagne, ça va mieux. Le paysage délaisse les oliviers. Maintenant se succèdent des immenses parcelles de citronniers, qui dégagent leur parfum. De temps en temps, une porcherie nous rappelle qu’il y a aussi de la charcuterie en Espagne. On voit également des champs de tomates qui sont laissées à même le sol et que l’on ramasse par terre. Je roule bien car j’ai déjà fait 90 kilomètres ce matin. L’après midi, ça se gâte : un orage carabiné. Je me réfugie in-extrémis dans une usine qui avait son grand portail ouvert. Au bout de 10 minutes, ça se calme ; je repars incognito, personne ne m’a remarqué.

    Maintenant, je découvre en bordure de route des cueilleurs d’olives qui tapent les branches avec des gaules pour les faire tomber dans les filets. Entre les oliviers poussent aussi de nombreux amandiers. Je m’arrête dans une petite ville charmante, « Torrébianca », où beaucoup d’habitants dans leurs sous-sols cassent des amandes.

    J’aurai bien passé la nuit ici mais un orage violent vient de passer et l’eau ruisselle encore dans les rues. Les bas côtés sont inondés alors, pour le camping…. ??

    J’en ai encore dans les jambes alors je décide de continuer jusqu’à la prochaine ville. Mais, une fois arrivé, je ne trouve toujours rien pour dormir. Je reprends donc la route en direction de Castellon, pensant trouver un petit hôtel routier au bord de la nationale. Mais, le premier est fermé. Je me rends donc au suivant car la nuit tombe. J’appelle. Il y a trois ou quatre piliers de bars, avec le nez en forme de fraise. La patronne arrive quinze minutes plus tard. Elle ne me salue même pas, me dévisage et m’annonce un prix exorbitant. Tant pis, je suis tellement fatigué. Je lui demande alors pour rentrer Bamako à l’intérieur, elle me demande cinq euros supplémentaires et retourne à la cuisine sans attendre ma réponse. Vexé, je prends mes clics et mes clacs et je reprends la route. Mais là, c’est le piège car la nuit est vraiment là et, en plus, orageuse. J’avale des kilomètres et des kilomètres, et rien. En plus, je suis prisonnier des barrières de sécurité de chaque côté et je cherche désespérément un endroit pour sortir. Impossible. Je m’arrête pour installer les deux phares livrés avec le vélo, qui n’éclairent pas plus qu’un vers luisant et je roule sur la bande de secours, à l’aveuglette, en espérant ne pas trébucher sur un animal écrasé, d’éclater ou exploser une jante dans un trou, tout en surveillant attentivement le rétroviseur pour parer à toute éventualité meurtrière de la part d’un camion fou !

    Je suis épuisé, mes muscles cervicaux sont tétanisés. Je fais un petit bout à pied pour me détendre et toujours pas d’issue. Je suis obligé de sortir à la prochaine ville Castellon. J’arrive en pleine zone industrielle, très lugubre, je cherche désespérément un endroit pour dormir. Trop tard pour le camping alors je fais cinq fois le tour de la ville et des rues dans tous les sens. Que des hôtels de luxe. Enfin, à 22h30, et après 187 kilomètres dans les jambes, j’en trouve un avec des prix raisonnables. Dépité, j’ai faim, j’ai soif et j’ai de la peine à y croire. Jamais je n’ai été aussi content de trouver une porte qui s’ouvre à moi. Bamako, lui, doit rester dans le hall d’entrée, avec tous ses bagages et son antivol alors je ne suis pas trop tranquille. Enfin, la prochaine fois, je serais plus vigilant et n'attendrais pas le dernier moment pour chercher à dormir.

    C'est parti pour la traversée de l'Espagne !

    Tu vois Bamako, lui aussi a des cornes !

     

    Vendredi 13 septembre - Castellon -> Silla (114 Km) 

    Journée noire, normal ?

    Ce matin, j’ai les cervicales complètement bloquées et je souffre trop. Je m’arrête pour régler la selle et les cornes de Bamako, de façon à avoir une position droite, mais toutefois pas extra pour forcer dans les côtes.

    Il a fait un orage cette nuit et des milliers de minuscules escargots sont sur la voie de droite. Nous roulons dessus pendant des kilomètres, avec un bruit de craquement indescriptible sous les pneus. Depuis la frontière, les gens en ramassent des pleins sacs le long des routes (pas de doute, on est bien en Espagne).

    Cette nouvelle position me va mieux mais je m’arrête quand même tous les 20 kilomètres. Aujourd’hui, je devrais faire une étape tranquille.

    Je ne trouve que des champs de mandariniers arrosés par des vieux canaux fermés par des petites écluses qui inondent les plantations.

    Normalement, je ne suis qu’à 58 kilomètres de Valencia. Mais, subitement, la N340 devient une voie rapide interdite aux vélos. Alors, nous, on passe où ??

    J’essaie une petite route parallèle : cul de sac. J’essaie de porter le vélo à travers un grillage pour continuer : impossible. Obligé de refaire la route à l’envers…et c’est parti. Pas le choix : je prends la voie rapide et arrive en plein dans la ville. L’horreur, tel Barcelone. Je galère tout le reste de la matinée pour sortir un peu au clair et manger dans une cafétéria en bord de mer. Et, l’après midi, c’est reparti dans la même galère. Personne ne m’indique la même direction et je roule jusqu’à 19h30 et 114 kilomètres pour n’être qu’à la sortie de Valencia. J’ai tourné en rond toute l’après midi car toutes les voies mènent sur des autoroutes. Et, pas de campings…. J’en ai marre, je ne peux pas galérer dans toutes les villes de cette sorte !

    Petites réactions du jour à la volée :

    1        Ce matin, un chien m’aboyait après depuis le rebord de la fenêtre d’une maison située au 1er étage, et fermé de l’intérieur, d’habitude c’est la place des canaris?

    2        Dans la dernière vigne de la région, j’ai mangé un énorme raisin de table

    3        Dans les bars, les Espagnols jettent leurs mégots par terre

    4        Les fossés en Espagne sont des décharges

    5        Dans les restos, le pain et l’eau ne sont jamais compris. Il n’y a jamais d’eau en carafe mais uniquement des bouteilles bouchées

     

    Samedi 14 septembre - Silla -> Calpe (120 km) 

     

    Ce matin, je pars sous la pluie et au fil des heures, elle est de plus en plus forte. La route : des lignes droites de 20 kilomètres tracées au cordeau. Les paysages ont changé entièrement : des centaines d’hectares de céréales où des moissonneuses, d’une taille ridicule en rapport à la surface, attendent que la pluie s’arrête.

    Finalement, vu la configuration du relief, je préfère qu’il pleuve à la place du vent.

    Bamako est un criminel, il a encore écrasé au moins 10000 escargots en une demi-journée. Maintenant, des champs d’orangers à perte de vue avec des montagnes à l’horizon. Une chose me fait mal au cœur : il y a plein de chiens abandonnés. Dans le fossé, en bord de route, un chiot d’environ trois mois est couché, terrorisé et me regarde d’un air suppliant. Je n’ose pas lui parler de peur qu’il ne traverse la route. Un peu plus loin, un autre court, affolé, en jonglant entre voitures et camions, qui ne lèvent même pas le pied. C’est incroyable à la vitesse que roulent les camions et c’est un petit coup au cœur à chaque fois qu’on se fait doubler car je crois qu’ici la probabilité de se faire écraser est plus grande que celle de gagner au loto.

    Nous traversons des petites villes très typiques. Dommage qu’elles soient toujours cachées par de grands immeubles inesthétiques, qui enlèvent tout leur charme.

    De temps en temps, un paysan avec âne et charrette…ou un autre qui laboure avec une mule. Certaines situations ou odeurs rappellent le Maroc. Toutes les rivières sont asséchées, je n’ai vu qu’un seul fleuve à l’eau saumâtre.

    L’après midi, direction Alicante ; ça commence à monter dans une montagne, qui devait être superbe, avant d’être défigurée par des carrières ou des constructions abusives, un véritable désastre. Je grimpe difficilement. Je voudrais pourtant me rapprocher le plus possible d’Alicante, pour traverser la ville demain en début de journée. 15 kilomètres de montée, je me dis que ça va bien redescendre à un moment ou à un autre pour arriver en bord de mer. Ça y est, la côte à l’air de se terminer. Tout d’un coup, un bruit inhabituel sur l’avant de Bamako : la roue est crevée. Je comprends maintenant pourquoi je galérais tant : la roue s’était dégonflée progressivement. Il est 18 heures. Tant pis, ça ne sert à rien de s’affoler : je démonte, après avoir enlevé toutes les sacoches et le coupable est un morceau de fil de fer, très fin, qui a traversé le pneu et qui lui-même, vient certainement d’un pneu éclaté. Je répare en me disant qu’on ne va encore pas terminer de bonne heure ce soir, enfin, c’est reparti : une descente qui nous emmène sur 11 kilomètres, à toute vitesse jusqu’à Calpe. Les campings sont tout au bout de la ville. Le premier est complet…ça commence bien. Le deuxième a de la place, impeccable. Je me pose à côté d’un couple du Lot et Garonne qui viennent en Espagne depuis des années, sans savoir pourquoi, car franchement, passer plusieurs jours ici…. ??? Enfin, ça a l’air de les distraire de me voir et ils s’occupent bien de moi. Le camping est entouré de bâtiments et hôtels si immenses que je me demande, une fois pleins, comment ils réussissent à caser tout le monde sur la minuscule plage en dessous.

    C'est parti pour la traversée de l'Espagne !

    Étalage très coloré des richesses de la terre d'Espagne. 

    Dimanche 15 septembre - Calpe -> Guardemar (114 km) 26  

     

    Ce matin, en guise de petit déjeuner, je me tape 10 kilomètres jusqu’au supermarché car j’ai très mal dormi cette nuit et il me faut absolument des remontants : jus d’orange et barres de céréales. J’attaque ensuite la montagne qui encercle la ville. La côte espagnole est une véritable catastrophe écologique à ciel ouvert. Des immeubles et villas de partout, jusqu’à la plage et sur toutes les montagnes qui devaient être superbes. A Calpe, un immense rocher fait la curiosité de la ville. Il est maintenant caché par la hauteur des bâtiments qui l’entourent. On dirait qu’on veut à tout prix rattraper le temps perdu, sans en mesurer les conséquences. Les routes sont superbes mais on n’hésite pas à faire sauter la montagne pour les faire passer. Bon, on ne va pas refaire le monde.

    En attendant, je suis obligé de mettre le plus petit plateau devant et le plus grand pignon derrière ; ça veut dire que ça grimpe ! Et en plein cagnard… En plus, ce n’est pas la grande forme. Je suis en train de payer mes étapes précédentes. Je crois que je vais prendre du repos plus tôt que prévu, tout dépend des campings que je vais trouver.

    Au fait, j’ai oublié de vous dire qu’hier, j’ai croisé le tour d’Espagne. Super organisation…la route n’avait pas été barrée et la confusion était totale : des coureurs du peloton étaient coincés au milieu des voitures.

    Bon, quand même quelques jolies descentes. Il faut absolument que j’arrive vers les 13 heures à Alicante, le temps de traverser la ville.

    Ici, en Espagne, le déjeuner se prend à 15 heures et le soir à 22 heures ; j’en ai pris l’habitude. Je mange au bord du port et c’est reparti. Et là, super, la nationale longe la plage et je traverse la cité sans encombre. Et, bien indiqué pour une fois, je n’en reviens pas !

    Après Alicante, des lignes droites à perte de vue, avec de nouveau le vent en face. Je pédale machinalement.

    Changement de paysage, on se croirait en Camargue : des marais salants, avec de nombreux oiseaux d’eau. Ensuite, la route contourne la montagne. Et là, ça grimpe à nouveau, en plein soleil. Quelques descentes, dans lesquelles Bamako ne s’emballe pas, à cause du vent ; et, dernière grande montée sur le petit plateau avant Guardemar. Les kilomètres annoncés sur les panneaux ne sont jamais très fiables. J’ai envie d’aller plus loin mais il est déjà 18 heures, je vais donc en rester là. Je trouve un camping : s’il me plait, je resterais deux jours. J’ai besoin de laver des affaires, de réviser Bamako et de laisser cicatriser quelques infections mal placées. On me donne mon emplacement. Je tombe à côté d’un jeune couple de hollandais qui parlent un peu notre langue et des jeunes Belges, tous super sympas. D’emblée, ils me demandent où je vais et ils m’offrent une bière fraîche. Je suis bien tombé. Je vais pouvoir me refaire une santé et faire le point sur ma situation.

    Question du jour : pourquoi y a t il autant d’escargots en Espagne ?

    Lundi 16 septembre - Guardemar (repos) 27  

     

    Je suis tombé dans l’unique camping de la ville, d’un luxe et d’une propreté incroyable. Je n’ai jamais vu ça de mémoire de campeur. Des douches de la grandeur de notre salle de bain, une piscine immense, jacuzzi, salle de musculation, animation, resto d’une beauté incroyable et d’une propreté incomparable ; ça ne fait pas très routard  mais c’est moins cher qu’à l’hôtel…alors tant pis. Toutefois, dès que vous sortez de l’enceinte de ce paradis, c’est l’enfer. Plusieurs canaux, qui se jettent dans la mer, sont de véritables égouts, où se côtoient des amas de bouteilles et détritus de toutes sortes : bidons d’huile, plastiques, cadavres d’animaux…etc. Au milieu de tout ça, de nombreux pêcheurs se fraient des passages pour tremper leur fil au milieu des ordures. Du coup, ça me gave et je n’ai pas envie de rester un jour de plus ici.

    Mardi 17 septembre - Guardemar -> Puerto de Mazzeron (118 Km)

     

    Au bout de quelques kilomètres, ça tire grave sur mes muscles cervicaux, je ne peux plus tourner la tête. J’ai du me faire une petite déchirure en m’étirant à froid.

    Côté paysages, rien d’extraordinaire : de temps en temps, je vois la mer. J’essaie de faire un maximum de kilomètres jusqu’à 13h30, environ 70. Aujourd’hui, je n’ai pas de jambes. Hier soir, au camping, les Hollandais m’ont offert le repas du soir alors que j’avais prévu de me faire des pâtes. Alors, dîner convivial mais Hollandais !…et pauvre en calories. Par contre, je regrette les quelques bières que nous avons bues ensemble car ce matin, j’avais un pic-vert dans la tête dans les montées ensoleillées.

    Enfin, Carthagena ; pour traverser la ville, un pizzaïolo me montre la route en scooter. Heureusement car c’est assez compliqué. Beaucoup de maraîchage, arrosé par des petites rigoles entre chaque ligne de plantation, et puis d’immenses serres en plastique. Et voilà, maintenant vous savez que les tomates d’Espagne ne sont pas mûries directement au soleil.

    J’échappe de justesse à deux gros orages. Ensuite, nous contournons la montagne, avec des paysages typiques : ânes, charrettes et vieilles fermes qu’on  diraient inhabitées

    Soudain, j’aperçois la route au loin, qui monte en lacets en face dans la montagne. Quelle grimpette ! Je la sens mal et, en plus, il fait très chaud. Tant pis, il faut y aller, on n’a pas le choix. A mi-parcours, nous calons. Je monte 1 kilomètre à pieds pour me reprendre et c’est reparti jusqu’au sommet. Ensuite, quelle descente ! Je laisse tout aller et je respire à pleins poumons pour me ré oxygéner. J’arrive à Mazzeron, en bord de plage, où je trouve un camping.

    Mercredi 18 septembre - Mazzeron -> Los Galardos (110 km) 

     

    Ce matin, je me lève tôt. Pas de chance, la réception est fermée et n’ouvre qu’à 9 heures. Je vais en ville pour boire un café, il est trop tôt. Heureusement, un petit supermarché est ouvert. Alors j’achète du jus d’oranges, deux ou trois gâteaux et me voilà parti. Ce matin, en visualisant  la route sur la carte, je m’y attendais un peu, j’attaque par une montée qui va durer 35 kilomètres dans la montagne désertique et en plein soleil. Dès le début, je trouve que l’on n’avance pas. Je crois que c’est la faute à Bamako car on dirait que la roue de devant retient. J’en bave, nous sommes en dessous de 10 Km/heure. Je n’ai pas le moral, je jure, je déteste l’Espagne et les espagnols. Je m’arrête, enlève les sacoches, dévisse les roues,  huile les moyeux…etc. Je cherche des excuses et en fait, je me rends compte que Bamako va bien…et que c’est moi qui n’avance pas et que ça monte plus que ça ne paraît. Tout à coup, un coup de klaxon. Je regarde dans le rétro : un camion fou nous fonce dessus. Je saute dans le fossé, il ne fait même pas un écart, c’est un assassin, je l’insulte. Je nous vois comme tous ces chiens écrasés, dont personne ne prête attention. Il y en a tous les kilomètres. Finalement, ce sont peut-être eux qui se suicident, vu le sort qui leur est réservé : attachés à un tonneau par 40 degrés ou fermés dans le clos d’une usine, en plein soleil, pour la surveiller. Sans parler du sort des nombreux taureaux, qui n’ont aucune chance. Dieu reconnaît-il les animaux ?

    Ça y est, je suis en colère. Il est 13h30 et je n’en peux plus, je n’ai plus d’eau et j’ai faim. Je fais un détour pour me rendre à un village : il n’y a rien d’ouvert et personne ne bouge. Le prochain est à 15 kilomètres et ça monte toujours. J’ai très soif. Après énormément d’efforts, nous arrivons. Ah, il y a un café. Je demande de suite un coca avec plein de glaçons, je crois rêver.

    Dans tous les bars, il y a des petites vitrines, avec des assortiments de charcuterie, des brochettes de viande, poisson, poulet, pigeon…etc. Ce sont des bars à Tapas : vous montrez ce que vous désirez, il vous le fait griller derrière et vous grignotez avec les doigts sur le comptoir, en sirotant un verre.

    Une fois requinqués, on reprend la route, plate cette fois, avec quelques descentes et un paysage incroyable : des centaines d’hectares de serres en plastique tapissent tout le paysage à perte de vue. Ensuite, paysages de westerns et jolis petits villages entourés de barrières de figues de Barbarie : nous sommes en Andalousie. De temps en temps, des maisons troglodytes, pour mieux garder la fraîcheur. C’est le plus beau paysage que j’ai vu depuis mon départ.

    Le temps passe plus vite, il est déjà 17h30. La nationale 334 se termine et se transforme en N340, avec un gros panneau d’interdiction aux vélos, bestiaux, mobylettes ainsi qu’une pancarte « Autopista » (qui veut dire voie rapide). Et nous, on fait comment ??

    C'est parti pour la traversée de l'Espagne !

    Et nous,on passent où ?

    Pas d’autre issue, alors je reste devant le panneau et fais signe aux voitures pour leur demander la solution. Déjà, très peu s’arrêtent et dans ceux qui le font, certains me disent de faire un détour par Tataouine : ils n’ont pas vu que j’étais à vélo ???!!! D’autres me disent de passer malgré l’interdiction. Lorsque ce sont des camions ou camionnettes, je leur demande de mettre Bamako derrière et de m’emmener, tous refusent. Je prends la haine et je m’engage sur la voie rapide. Si les guardias m’arrêtent, il faudra qu’ils m’expliquent la solution. Je roule bien sur la droite en ne lâchant pas le rétro des yeux, en prévision des gros bahuts qui arrivent à 140 Km/h et me font faire à chaque fois un écart d’un mètre avec le déplacement d’air !

    Personne ne me klaxonne, essayez de faire ça chez nous…

    Je roule jusqu’à 18h30. Ces voies rapides font des détours incroyables, c’est uniquement fait pour les automobilistes. Je crois qu’arrivé à Algesiras, j’aurai largement dépassé les 2000 kilomètres alors que j’en avais prévu 1800. Je trouve un petit relais routier pour me reposer en attendant d’avoir les idées plus claires demain.

    C'est parti pour la traversée de l'Espagne !


    Jeudi 19 septembre -  Los Galardos -> Almeria (140 km) 

     

    Après une bonne nuit, je vais peut-être plus facilement retrouver ma direction. J’arrive au premier rond point, direction Almeria, aucune autre solution. Une seule issue, l’autopista, avec les mêmes panneaux d’interdiction aux vélos.

    Tant pis, je prends cette voie pendant 4 kilomètres, jusqu’à la prochaine sortie. Et là, miracle, je retrouve l’ancienne nationale, une jolie petite route qui traverse l’Andalousie, avec son beau décor et ses petits villages.

    Ça monte pas mal mais le paysage n’est pas monotone. Plus tard, paysage montagneux de westerns. Nous passons ensuite devant Fort Bravo, lieu hollywoodien où sont tournés de nombreux films. Après beaucoup de montées, une très belle descente, qui débouche sur un rond point, avec de nouveau les interdictions aux deux roues. Je vois la guardia civil, ça tombe bien ! Je leur demande des explications. Ils ne m’écoutent pas mais me font signe de les suivre. Une centaine de mètres plus loin, ils m’engagent sur une petite route, qui n’est même pas indiquée, et c’est la bonne ! Vu que les automobilistes prennent tous les nouvelles voies, ils n’ont pas pris la peine de signaler les anciennes. Pendant midi, un Espagnol parlant très bien français et très sympathique me demande d’où je viens et me conseille ensuite de prendre un car jusqu’à Algesiras. Il insiste même pour m’emmener vers la caissière de la gare routière, où il fait l’interprète. Elle lui explique que le départ est pour demain 8 heures et qu’il faut empaqueter les roues et le pédalier avec du carton. C’est vrai que ça me ferait gagner le temps perdu et me permettrait de me reposer mais je demande à Bamako, qui n’est pas d’accord. Alors, nous continuons notre route…. !

    Après Almeria, le paysage est un océan de plastique : de la montagne à la mer, incroyable, des serres à perte de vue, où l’on cultive de la tomate. La moindre parcelle est occupée par une serre, même aux endroits les plus inaccessibles. Je me suis laissé entendre dire que beaucoup de main d’œuvre en situation irrégulière, notamment des Marocains, est exploitée par ces gros maraîchers, qui gagnent de l’or.

    Pour rejoindre un camping en bord de mer, je suis obligé de passer dans ce labyrinthe, par des petites routes où je ne vois jamais l’issue.

    Ça renifle le pesticide à pleins poumons. Après un gros orage, devinez où peuvent se rendre tous ces produits toxiques ??

    Je vois des ouvriers traiter, contre le vent et sans masque. C’est aberrant. Je me demande d’où vient l’eau pour arroser toutes ces plantes.

    Une fois sorti de ce piège, je dois remonter 10 kilomètres au nord pour trouver un camping. Car le seul qu’il y avait dans la ville est fermé, et pas question de faire du camping sauvage car, non seulement c’est interdit mais les guardias se cachent pour surprendre les campings cars ou autres intrus et leur infliger un PV !

    C'est parti pour la traversée de l'Espagne !

     

    Vendredi 20 septembre - Almeria -> La Herradura (114 Km) 34  

     

    Ce matin, je refais amèrement les dix bornes qui m’ont emmenées au camping, à l’opposé de ma direction, après une nuit d’à peine trois heures, à cause du raffut infernal d’une famille espagnole, qui se croyait apparemment seule (cris, rires, manœuvres en voiture et parties de scrabble).

    Au départ, à moitié endormi, j’ai manqué de faire tomber Bamako et, en le retenant, j’ai senti une énorme brûlure musculaire le long de la colonne et j’ai crains le pire : finir mon périple pour une bêtise. Je roule prudemment et ça a l’air d’aller, je n’en reviens pas. Les premières montées, toujours difficiles et toujours ce problème de direction. Après divers renseignements, je trouve la bonne route, qui monte dans les falaises, au-dessus de la mer. Sacrée montée mais très belle vue sur les criques. Et ensuite, de nouveau des centaines d’hectares de serres, quel gâchis. En plus, même où le paysage est beau, il est très difficile de faire une photo sans une bouteille vide ou un plastique, et il ne faut pas trop regarder en contrebas de la route, qui sert souvent de décharge sauvage. Succession de montées et de descentes abruptes, où je me tape des 55 Km/h. Et, ensuite, la côte me cale d’un coup et c’est mortel pour mes petites jambes. Sur le parcours, j’ai dû passer une dizaine de tunnels, très dangereux car non éclairés, et sans bande pour les deux roues. Alors, dès que j’en approche un, je m’arrête pour regarder loin derrière moi qu’il ne vienne pas de camion et, la peur au ventre, je pédale comme un fou pour traverser de l’autre côté. De temps en temps, je n’ai pas le temps alors, dès que j’entends un poids lourd derrière moi, je cramponne mon guidon pour ne pas rebondir contre la bordure et je prie pour que ça passe. J’ai aussi très peur de rouler sur un objet ou un trou que je ne vois pas qui me fasse chuter sur la chaussée car là je n’aurais aucune chance.

    Plus loin, je vois deux couples de chevreuils en équilibre au-dessus de la route, qui cherchent certainement un point d’eau pour se désaltérer.

    Bon, assez pour aujourd’hui. Je trouve sur ma route un charmant petit camping en bord de mer, très simple et planté d’arbres exotiques. Devant la réception, la plus petite cage que je n’ai jamais vue et je crois qu’elle doit être unique au monde. Environ 20 cm par 20, avec un perchoir et un miroir

     sur l’autre face, pour que la perruche croie qu’elle n’est pas seule. Ici, il ne doit pas non plus exister de bon dieu pour les oiseaux !

    Réaction à chaud : je pense qu’en Espagne, les animaux écrasés remplacent les bornes kilométriques : les chiens pour les kilomètres et les chats pour les centaines de mètres, je ne voudrais pas moi-même remplacer celles ci

    Samedi 21 septembre -  La Herradura (repos) 35  

     

     

    Eh oui ! C’était les seuls français qui sont arrivés au camping le soir de ma journée de repos et veille de mon départ. Dommage, on a sympathisé de suite et, une heure après, on se retrouvait ensemble autour d’une bonne paella. Diana est d’origine espagnole et nous a servi de guide et interprète. Son copain, Stéphane, adore le VTT et n’a pas pu s’empêcher d’essayer Bamako chargé. Ils font tous les deux beaucoup de randonnée pédestre, entre autre le chemin de Saint Jacques de Compostelle.

    Magali et Philippe sont motards depuis peu. Lui, est passionné d’escalade, comme une certaine Alex. Elle, adore la plongée mais le problème est qu’elle se prend pour un dauphin et ne veut plus remonter. Demain, ils ont décidé d’aller faire de la plongée en apnée. Avant de me quitter, ils m’ont décris la route de Malaga qui m’attend avec, au programme, belles grimpettes dans les falaises en perspective

    C'est parti pour la traversée de l'Espagne !

     

     

    .C'est parti pour la traversée de l'Espagne !

     Maison troglodyte dans le sud de l'Espagne.

     

    Dimanche 22 septembre - La Herradura -> Fuengirola (110 Km) 

     

    Au revoir les petits français, quel dommage que ces si belles rencontres soient éphémères mais la route m'appelle si je veux parvenir à mon but. Encore obligé d'attendre 9h 30 que la réception ouvre. Et c'est reparti pour une belle journée et pour une belle montée. Je n’attaque pas trop mal. Ma journée de repos et la paella me rendent service. Super paysage et une vue imprenable sur la mer. Ensuite, ça redescend puis faux plat. Et notre pire ennemi, le vent, se met à souffler très fort. Tout le matin, j'avance au ralenti. Horrible ce vent, je préfère dix fois les montées. Aujourd'hui dimanche, merci le ministre des transports, les camions ne roulent pas. Par contre, c'est le jour des motards et il y en a énormément, ils se prennent tous pour Crivillier. Ça roule au taquet ! Il faut dire que les routes sont superbes pour la moto. Je roule jusqu'à 14h30, tous les magasins sont fermés alors, je me paie une friture de mer au resto. Les gens arrivent pour manger vers les 15 heures, des familles entières, c'est leur jour de sortie. Les mamas sont parées de leur plus belle robe ainsi que toute la panoplie de bijoux qui vont avec.

    Cette après midi, deux vélos aussi chargés que Bamako me précèdent. Je les rattrape et essaie de taper la conversation mais c’est difficile car ils sont finlandais. Alors, nous roulons ensemble en se faisant des petits signes et des sourires car ça, c'est international. Et, plus loin, on s'arrête à une station, ils m'offrent une grande bière ! Ils dévisagent Bamako (très fier) et me demandent que je les prenne en photo devant lui avec leur appareil (encore plus fier). J'ai compris qu'ils reliaient une ville d'Espagne qui était jumelée avec la leur. Alors, une fois arrivés vers le panneau, ils sautent de joie parce qu'ils ont fini leur périple et me demandent de les prendre trois fois en photo devant le panneau, au cas où ça raterait. Je leur dis au revoir, et eux me souhaitent bonne chance. Je continue jusqu'à Fuengirola pour un nouveau camping.

    C'est parti pour la traversée de l'Espagne !

     

    Lundi 23 septembre - Fuengirola -> Santa Roque (100 Km) 39  

    Aujourd'hui, la journée avait bien commencé : pas trop de vent, bonne route, je devrais atteindre les alentour d’ Algesiras A midi, j'achète à manger dans une grande surface qui commence par un C et qui finit par un R, vous savez, les même qu'en France mais je n'ai pas le droit de citer de marques !! Je mange devant le magasin. On me regarde avec dégoût. J'aurai dû mettre une boîte devant moi, quelqu'un m'aurait peut-être jeté des pièces !

    Avant de repartir, je vérifie machinalement la pression des pneus et là, mauvaise surprise : le pneu arrière est coupé à trois endroits et la chambre forme des abcès à travers. En plus, sur le côté, la carcasse est foutue. J'ai dû le couper soit le jour où j'ai roulé la nuit, soit sous le tunnel avec des bouts de ferraille. Pas de problème,  je vais aller au rayon cycle en acheter un. Je rentre et surprise, il n'y a que des vélos entiers et aucun accessoire ! Je rachèterai bien un vélo de rechange mais je ne sais pas rouler avec deux vélos ! Donc je repars bredouille. Une seule solution : dégonfler un peu pour réduire les abcès et je mets un peu de sparadrap sur les coupures. Ce sparadrap était destiné à ma pharmacie et non à celle de Bamako. Ce qui fait dire qu'après, si je me coupe, je serai obligé de mettre une rustine ! Je ne sais pas combien de temps il va tenir mais j'espère qu'il m'emmènera jusqu'au prochain réparateur et pas trop loin de préférence. Je fais très attention où je roule, j'évite les cailloux. Puis j'arrive enfin à la première ville. Je demande un réparateur à un balayeur, qui se retourne et refuse de me répondre. Après deux ou trois autres échecs (incroyable), un gars accepte quand même de me renseigner mais m'envoie chez un réparateur de moto qui, comme par hasard, ne peut rien pour moi. Mais, bonne nouvelle, il me dit qu'il existe un marchand de cycles dans la ville. Il m'indique sommairement dans sa langue et avec des gestes un coup à droite, un coup à gauche, ce qui fait qu'après avoir fait au moins trois tours de ville, je trouve par miracle ce magasin trop attendu.

    Je rentre, personne mais je vois un gars dehors avec un escabeau contre le mur. Il ne me regarde même pas. Pourtant, des gars en VTT avec un chargement tel que le mien ne passent pas inaperçus. Je l'interpelle et lui demande si le magasin est ouvert. Avec ses doigts, il me fait signe "cinq minutes" alors je patiente. Dix minutes passent, ensuite vingt. Il me repasse trois fois devant sans me prêter attention en discutant avec un collègue. Il est en train de démonter une enseigne. Ils finissent alors je me dis que c'est bon mais là, il commence à installer l'autre. Alors s'en est trop, je le rappelle et il me dit " vingt minutes ". Alors là je pète les plombs. Je lui demande si c'est parce que je suis français qu'il ne veut pas me servir. Et là, avec son collègue, ils se mettent à se foutre vraiment de ma gueule ! Alors j'explose et le traite de tous les noms d'oiseaux espagnols et je repars après avoir perdu énormément de temps. Je roule avec toujours l'appréhension d'éclater. Je traverse plein de petites villes sur 50 kilomètres et, insensé, aucun réparateur de vélo ! J'ai gâché toute mon après midi. Je m'arrête dans le premier camping que je trouve avant algesiras, toujours sans pneu de rechange et avec la chance qu'il ait tenu le coup. Dans le camping, je trouve un couple de français de la Drôme en voiture. Je leur raconte ma mésaventure en leur expliquant que j'aimerai aller jusqu'à la prochaine ville acheter un pneu mais que j'ai trop peur de la crevaison, tout en espérant qu'ils me proposent de m'emmener en voiture (solidarité française). Et bien non, ça ne leur a malheureusement jamais effleuré l'esprit. Alors tant pis, je campe sur ma défaite. Dans ce camping, il y a des toiles tendues sur des fils de fer pour l'ombre, comme dans la plupart des campings espagnols. Alors, je monte la guitoune dessous comme ça le matin elle n'est pas humide.

    Mardi 24 septembre - Santa Roque -> Algesiras (50 Km) 

     

    Après ma journée agitée d'hier, nuit bruyante espagnole : des rires, des cris, un bruit infernal. Je regarde l'heure, 3h30, impossible de fermer l’œil. De plus, après ce qu'ils m'ont fait hier, je les déteste tous. Sur le point de me rendormir, j'entends marcher dans les graviers, à côté de ma tente et de Bamako. Mais difficile en camping de localiser les bruits. Le matin, en me levant pour aller aux toilettes, je comprends enfin : il y a une vache dans le camp qui se ballade pour brouter entre les toiles. Imaginez qu'elle monte sur ma petite toile, ça aurait été le clou ! J'aurai même détesté les bovins espagnols... Vu que Bamako a des cornes, elle l'a peut-être pris pour un taureau. Heureusement que tous les jours ne se ressemblent pas et les mauvais permettent de mieux apprécier les bons. De toute façon, aujourd'hui, c'est foutu pour le ferry car je ne souhaite pas arriver à Tanger (soit disant la ville de tous les dangers) la nuit. Ils m'ont encore fait perdre une journée. Alors, on va chercher tranquillement une paire de pneus car j'ai bien peur qu'avec l'usure, celui de devant me fasse le même coup. Il me faut aussi une chambre à air. J'arrive à Linea, une grande ville à côté de Gibraltar. Je demande successivement à quatre personnes un marchand de cycles. Aucun ne m'indique la même direction. Décidément, ici on ne peut compter que sur soi-même. Alors je sillonne les rues en plein marché, on se croirait déjà au Maroc. Finalement, un jeune en scooter me donne le bon plan, un marchand de vélo, je n'y croyais plus. Je suis comme un gamin devant une vitrine de jouets, émerveillé. Avec tout de même une petite appréhension : et s'il n'y en avait pas ? (Car dans le magasin, je ne vois que des cycles). Une dame me reçoit et me fait monter des grands escaliers. Et là, sous les toits, incroyable, la caverne d'Ali Baba. Des pneus dans tous les sens : sur les murs, au plafond, par terre, de partout. Je trouve ma vie, c'est super ! Je m'éloigne dans un endroit tranquille, près du port. Je tombe toutes les sacoches et c'est parti, je remets l'arrière train de Bamako à neuf. Je reprends ensuite la route jusqu'à Algesiras, non sans avoir admiré le fabuleux rocher de Gibraltar qui regarde l'Afrique face à lui. Algesiras, ville hostile mais merveilleuse. Car, pour moi, c'est la fin de l'Espagne maudite, si ce n'est quelques supers rencontres dans les campings avec d'autres européens, français et hollandais et les très beaux paysages d'Andalousie. J'ai malheureusement très peu de souvenirs positifs de nos voisins, que je quitterai sans regret. Et je me demande encore comment je suis sorti vivant d'ici. Lorsque je les observe rouler, je n'arrive pas à croire que je prenais la même route qu'eux. Bon, je vais prendre mes billets pour le ferry de demain. Impossible de marchander. Tous me font payer Bamako comme une moto, idem que dans les campings et hôtels. Je leur propose alors d'aller faire un tour avec tous les bagages, ils verront si c'est une moto. Fini l'Europe, avec 2167 kilomètres au compteur. Je ne retiens de l'Espagne que deux mots : urbanisation et autopistas. Et demain, de l'autre côté du grand rocher de Gibraltar et de la mer, l'Afrique et une nouvelle aventure qui commence…

    C'est parti pour la traversée de l'Espagne !

    Le rocher de Gibraltar

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     


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