• Direction Agadir puis le Sud du Maroc

    Mercredi 2 octobre - Tamri -> Agadir (83 km) 

    Direction Agadir puis le Sud du Maroc

    Pour me remonter le moral, je fait des blagues aux Marocains qui me regardent médusés

    Aujourd’hui, petite étape. Beaucoup de montées, très beaux paysages avec des agreniers très gros, pleins de chèvres de partout sur les branches. Ces arbres, d’un vert foncé très foncé ressortent énormément sur le sol désertique de terre rouge. De beaux petits villages très propres dans le style de celui où j’ai passé la nuit.

    Il fait très très chaud. En fin de matinée, changement de décor : des déserts pleins de cactus et petits épineux et de temps en temps des vues superbes sur la mer, ses criques et des immenses plages nues en contrebas. Par cette chaleur, ça ne me remonte pas le moral. Enfin, une superbe descente de six kilomètres. Depuis le temps que je montais, ça devait bien arriver ! Je laisse Bamako se lancer à fond et j’absorbe le maximum d’air iodé pour évacuer les gaz d’échappement des camions mal réglés qui me doublaient à bout de force dans les côtes. Avant Agadir, de nouvelles montées m’achèvent. Heureusement que le paysage est très beau. J’arrive dans cette grande ville à touristes qui ne m’enchantent pas du tout. Mais tant pis, aujourd’hui je vais être raisonnable et rester ici.

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     Oasis route d'Agadir

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    C'est bon pour le moral

     Jeudi 3 octobre - Agadir -> Tiznit (96 Km) 

     

    Départ en ligne droite. Sortie des hôtels mirobolants et des golfs qui font croire qu’Agadir est un paradis. Ce sont des amas de bidonvilles et de terrains vagues transformés en décharges ; rien à voir avec le paysage des jours passés ; route très monotone où je deviens une machine à pédaler et où il ne faut pas regarder loin devant pour ne pas prendre un coup au moral. De temps en temps, des marocains à vélo ou mobs m’accompagnent un instant pour me questionner ou me raconter leur vie : l’un me dit qu’il a un frère à Rouen et l’autre à Caen et me demande si je ne le connais pas ! A midi, c’est la canicule. je mouille régulièrement ma casquette pour me rafraîchir. Énormément de mouches m’agacent, elles sont très agressives. Normal, les Marocains les élèvent. C’est impressionnant les boucheries à ciel ouvert où d’énormes quartiers de viande sont accrochés en plein air à la merci des insectes. L’autre jour, j’ai remarqué une boucherie fermée pendant le week-end, avec toute la viande à l’intérieur qui attendait l’ouverture. Très peu de choses sont mises au frais. Même les yaourts ne sont pas au frigo. Soixante bornes de bouclées et les villages se font de plus en plus rares. La zone désertique commence et il me va falloir anticiper les ravitaillements. Je sens que les prochains kilomètres vont être très longs. Heureusement que de temps en temps une situation comique casse un peu la monotonie. Cette après midi, chaleur de plus en plus torride et 50 kilomètres sans voir un seul village. J’ai trop mal aux fesses : avec la graisse que j’ai perdue, je n’ai plus d’amortisseurs à cet endroit là. Je suis obligé de m’arrêter tous les 10 kilomètres, j’ai l’impression de ne plus avancer. J’arrive enfin à Tiznit. Super : au camping, deux vélos chargés tel Bamako mais les propriétaires sont sortis. Savoir si ce sont des français… Avec eux, nous sommes trois en tout dans le camping. Je vais me ravitailler en ville et au retour je trouve les vététistes. C’est un couple d’Autrichiens qui font le tour du Maroc. Nous ne pourrons pas rouler ensemble. Trop fatigué, je ne monte pas la tente. Il fait trop chaud. Il y a des espèces de blocos en béton, ils appellent ça des bungalows. Je mets mon matelas à même le sol et je dors ici. En pleine nuit, je sens quelque chose me butiner les lèvres. J’éclaire ma lampe frontale : cauchemar…un énorme cafard ! Ces insectes répugnants sont comme les araignées : dès qu’ils se sentent en danger, ils s’échappent très vite. Je n’arrive donc pas à l’exterminer. Du coup, je ne ferme pas l’œil. J’apprendrai, au fil des jours, que finalement on s’y habitue bien à toutes ces petites bêtes. De toute façon, on n’a pas le choix : ça fait partie du décor.

    Vendredi 4 octobre - Tiznit -> Guelmin (75 Km + 45 Km en taxi-brousse) 

     

    « Journée de cafard ».

    Départ de bonne heure avant les grosses chaleurs pour attaquer le désert Marocain. Immense ligne droite tracée au cordeau. Et là, après le départ, une énorme tempête de vent se lève. Impossible de rouler. A chaque passage de camions, ça nous envoie sur le bas côté ou au milieu de la route. Nous doublons péniblement un âne avec sa charrette. Je le retrouve 10 kilomètres plus loin, il va aussi vite que moi. De temps en temps, je suis forcé de marcher en poussant Bamako. Sur ma monture, j’avance à 7 Km heure et à pied à 4 Km heure ; très peu de différence. Un instant plus tard, impossible de pédaler. Même les gars en mobs marchent. Et, pour finir le plat, une montée très abrupte avec le sommet à 1020 mètres et une chaleur de 40 degrés. Au total, j’ai fait 20 kilomètres à pieds. Je suis HS. Un jeune d’une vingtaine d’années m’accompagne quelques kilomètres avec un vieux vélo. Nous nous arrêtons à l’ombre d’un arbre (agrenier) : il n’y a que ça qui arrive à survivre ici et nous discutons. Il me parle de la pauvreté ici. Lui n’a pas de travail ; ses parents ont une ferme mais avec la sécheresse qui subsiste depuis plusieurs années, ça n’arrange pas les choses. Je lui montre des photos de France. C’est le paradis à ses yeux. Nous nous reposons et il prend une petite piste en plein désert de cailloux pour rejoindre très loin son village. Moi je souffle un peu car dans la montée je n’ai jamais autant respiré de gaz carbonique par les camions surchargés qui montent à bout de souffle et dégagent une fumée noirâtre, en perdant souvent de l’huile ou de l’eau. De temps en temps, ils sont arrêtés au bord de la route, le capot ouvert. Les cars, eux, ont trouvé la solution : ils l’ont supprimé carrément comme ça le moteur est à l’air libre. A 14 heures, je n’ai effectué que 45 kilomètres. Je rêve d’un coca frais. Miracle, je trouve un espèce de café en tôle. Il m’en sort un du frigo, il est tout chaud. Normal, il tourne avec des groupes électrogènes qu’ils mettent uniquement de temps en temps. Je reprends la route et, en fin d’après midi, récompense : une superbe descente, avec un très beau paysage de montagnes désertiques. Je laisse aller Bamako à sa guise pendant 6 kilomètres, sans freiner, virage à la corde, ça guidonne pas mal. Les routiers que je croise me font signe en rigolant. A la tombée de la nuit, j’arrive dans une ville située à 40 kilomètres de Guelmin, avec une concentration de population incroyable. Des gamins comme des mouches autour de nous. On m’agresse verbalement, on essaie de me piquer mes affaires, jamais je n’avais encore vu ça. Je n’ai vraiment pas envie de rester ici et je n’aurai pas le temps de rejoindre la prochaine ville avant la nuit. Je prends un taxi brousse pour 20 Dirhams (moins de deux euros) et c’est parti, Bamako attaché sur le toit avec une vieille ficelle !

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    Le chauffeur de taxi attend que le taxi soit plein (sept personnes) avant de partir et pendant ce temps, les gamins autour de celui-ci ne nous foutent pas la paix, vivement le départ. C’est parti. En route, je discute avec un jeune Marocain très sympa. A l’arrivée, ça y est, des rabatteurs de partout. « Bonjour Msieur, vous cherchez un hôtel, je suis le cousin à celui à qui vous discutiez dans le taxi…je vais vous aider à tenir le vélo…etc. ». Je lui réponds, c’est bon, je connais les Marocains et je me débrouille seul. Il me dit moi, je ne fais pas ça pour l’argent, par contre, si tu veux du shit ou de l’alcool, je peux t’en avoir. Il ne me lâche pas la grappe. Il m’accompagne à l’hôtel. Je l’avertis qu’il n’aura rien. Il rentre, dit à un gamin de surveiller Bamako et, comme chez lui, monte avec le gars pour faire visiter les chambres. Au bout d’un moment, je pète les plombs et je l’envoie balader. Je lui fais comprendre que je me passe de ses services. Il part mauvais et revient avec un moustachu. Il me dit, c’est le patron de l’établissement et je suis son frère (comme par hasard). Je lui réponds « tu n’as pas de chance, je connais le patron car je fais partie de l’équipe du guide du routard ». Alors, furieux, il me lance que je suis raciste…etc. Autre problème : dans la cohue, à la descente du taxi, j’ai oublié le rétro de Bamako dans celui-ci. Je suis dégoûté car il m’a sauvé la vie et il m’est plus qu’indispensable ici. Le pot de colle se propose d’aller jusqu’à la gare routière en mobylette, pour voir si le chauffeur était encore là. Comme par hasard, il n’y était plus. Il me propose d’y retourner le lendemain à huit heures avec lui. Je lui répète que je me débrouillerai seul. De toute façon, dans la confusion, je me demande si on ne me l’a pas volé. Et puis ça c’est mal passé avec le chauffeur qui me demandait à l’arrivée le double du prix qu’il m’avait annoncé, à cause de Bamako. Alors, s’il le trouve le rétro, il ne va certainement pas me le mettre de côté. A l’hôtel, on me propose de mettre Bamako dans un WC qui n’est plus utilisé mais d’une puanteur indescriptible. Bamako refuse alors il lui trouve une place à l’arrière de la cuisine. Je ne vous explique pas la crasse qui règne ici, je suis écœuré. Je monte à la chambre, une blatte sur la porte. Je l’écrase, je vais à la douche : une autre ! Je retourne dans la chambre, encore une sous la couverture. Je tire le lit, il y en a partout, la chambre est sale. A deux heures du matin, je tue encore des bestioles car je n’arrive pas à dormir. Il fait une chaleur inimaginable, il n’y a pas de fenêtres. Bonjour la nuit blanche. Pour me rassurer et essayer de m’assoupir un peu, je me pulvérise du répulsif insecte.

    Samedi 5 octobre - Guelmin -> direction Tan-Tan (100 Km) 

    Chasse au rétroviseur.

    Moi qui pensais passer une paire de jours à Guelmin pour me reposer, je fuis la ville comme je suis venu. Je n’ai rien dormi alors je quitte l’hôtel à sept heures. un gamin vient encore me chiner des Dirhams, sous prétexte qu’il avait surveillé Bamako toute la nuit (ils ne perdent pas le nord !!). Je ne lui réponds même pas et je m’échappe. Comme il est tôt, je tente le coup de me rendre à la gare routière pour récupérer mon rétro au cas où mon taxi d’hier soir aurait passé la nuit là bas. Mais chercher un taxi au milieu de taxis identiques, autant chercher une aiguille dans une botte de foin. Je m’y rends quand même, mais sans conviction. Je demande à un chauffeur mais très peu parlent français. Ici, dans le sud, ce sont de vrais Arabes, tous ont la djellaba et chèche autour de la tête. Les femmes sont aussi drapées de vêtements aux couleurs très vives. Un autre chauffeur sympa me demande de quelle ville venait le taxi et il va aux renseignements. Il m’affirme qu’il n’y a que quatre 504 qui viennent de là bas et il me dit d’attendre une demi-heure car le propriétaire va certainement revenir. J’ai déjà perdu beaucoup de temps et j’ai envie de partir car je n’y crois pas du tout, et puis tant pis. Comme je n’ai pas pris de petit déjeuner, je vais acheter un jus d’oranges ainsi que mon eau et ma nourriture pour la journée. J’y retourne après et redemande. Un gars me demande le signalement de mon conducteur et puis, au bout d’un moment, il me dit « ça ne serait pas cette voiture là bas ? ». Il me montre une 504 pourrie mais elles se ressemblent toutes , je m’approche. Le chauffeur n’y est pas alors je regarde sur la banquette arrière. Miracle ! Mon rétro ! Il n’a pas bougé de place et le type n’a pas du le voir. J’essaie alors d’ouvrir les portes…fermées. Je tente le coffre, super, il est ouvert ! Je récupère l’objet miraculé et pars vite avant que le propriétaire ne revienne.

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    C’est parti et on passe vraiment les portes du désert, une ligne droite sans fin et, de chaque côté, désert de cailloux et herbes à chameaux. J’ai pris dix litres d’eau au cas où ce soir je n’arriverais pas jusqu’à la ville de Tan-Tan. Très vite, une chaleur accablante, aux alentours de 40 degrés, avec un vent chaud de travers qui vous dessèche. Je mouille ma casquette qui sèche à mesure alors, je prends l’éponge destinée à la vaisselle, je l’imbibe et je la mets dessous ! Ça me tient la tête au frais un peu plus longtemps ! De temps en temps, des camions surchargés me doublent et me font signe sauf les campings cars Français. Ils doivent avoir peur que je leur demande un service. On se sent vraiment tout petit au milieu de cette immensité. On ne sait jamais quand on va trouver une maison, un village, un signe de vie. Il s’est passé 70 kilomètres avant le premier village et il y a un café, je n’y crois pas ! J’ai bu de l’eau bouillante tout le long alors pour moi c’est comme un mirage. Je demande un grand coca cola d’un litre. Malheureusement, il n’est pas frais. Tant pis, ça change de l’eau. Dehors, un routier assis à l’ombre de son camion et qui me voit fatigué m’offre le thé. C’est la troisième fois depuis hier qu’on m’invite ! Quelques heures après, mort de chaleur, je m’arrête à nouveau au bord de la route, dans une autre cabane marquée café, pour manger. Seul un marocain est à une petite table. Il vient me discuter en insistant qu’ici, ils étaient Arabes et non Berbères, ne surtout pas confondre. Il m’a dit qu’il aimait beaucoup Chirac et me fait une leçon sur les Arabes, que ce sont des gens droits…etc. Il me présente ensuite le patron, un grand homme avec le turban noir autour de la tête. Il me dévisage, m’interpelle mais ne parle pas français. L’autre me traduit « il dit que tu ne ressembles pas à un catholique mais à un Arabe » (si ce n’est pas du racisme ça…) ; je n’y peux rien si je suis devenu mat ! En fin de repas, un jeune vient me discuter. Très gentil celui là. Il m’explique qu’il est instituteur pour les petits villages. Il veut m’offrir un énorme livre que je refuse, désolé, car je n’ai plus de place. Il me dit qu’hier, à 15 heures, dans le même café, il y avait un gars en vélo, comme moi et apparemment allemand et qui irait à Dakar. On se suit ; à un jour près, ne sait-on jamais, on va peut être se rencontrer. Sur le parking, en plein soleil, il y a des camions remplis de bétail (ânes, moutons, dromadaires) pendant que les chauffeurs se désaltèrent à l’intérieur. C’est écœurant. Au Maroc, il ne faut pas être un animal, Allah ne doit pas les reconnaître lui aussi. Plus loin, encore une grande montée, que je termine à pied. Décidément, je croyais le désert plat. J’ai fait 100 kilomètres et il en reste encore 40 jusqu’à la ville. Alors, je suis raisonnable et je monte la tente pour ma première nuit dans le désert au milieu de rien. Je n’arrive pas à faire tenir les piquets, j’espère que le vent sera calme. Je me sens vraiment minuscule dans cette immensité. La nuit tombe vite et, dans le ciel, des milliers d’étoiles scintillent, d’une clarté incroyable. J’essaie de trouver celle qui guide les nomades. Pleins de cris d’animaux qui ne me sont pas familiers. Je ne suis qu’à peine tranquille mais ici, au moins, je n’aurai pas de cafards. A ce moment où j’écris et où je suis vraiment isolé du monde, j’ai une grosse pensée pour ma petite femme et mes enfants à qui j’aimerai tant faire partager ces moments intenses d’émotion et toutes ces choses qu’on ne peut pas expliquer par des photos. Heureusement, tous les jours ne se ressemblent pas. Hier, je n’avais vraiment pas le moral. Je me demandais ce que je foutais là et je les détestais tous et aujourd’hui, je suis bien, sur le dos, les yeux fixés sur les astres.

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    Dimanche 6 octobre - Route de Tan-Tan -> Tan-Tan plage (70 km)

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    Les freins ont lâchés juste devant moi ( 2 morts)

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    Ce matin, la lumière du jour me réveille à 6h30. Après avoir passé une bonne nuit, je démonte vite avant que le soleil ne sorte des montagnes et c’est parti. En guise de petit déjeuner, au programme, 40 kilomètres pour rejoindre la ville. En plus, des bonnes côtes. Le désert Marocain n’est pas plat du tout. Enfin, une super descente. Je laisse prendre de l’élan à Bamako mais ça ne dure pas. Tout le monde STOP. Je crois à un contrôle de police vu qu’il y en a régulièrement mais non. Il s’agit d’un camion énorme et surchargé comme dab qui s’est scratché en bas de la descente : ses freins ont lâché et il s’est littéralement écrasé sur le toit, faisant deux morts dans la cabine et tout ça à côté d'un cimetière, J’ai vu passer ce camion ce matin en démontant la tente et je l’ai remarqué car c’est le même que celui du gars qui m’a offert le thé hier. J’espère que ce n’est pas lui. Ça m’étonne même que ce soit le premier accident que je vois, vu la vitesse à laquelle ils roulent, l’état dans lesquels ils sont et les charges qu’ils transportent. Imaginez si j’étais parti trois minutes plus tôt et que je le précède ? 10 kilomètres plus loin, contrôle de police, la vraie cette fois. D’habitude, ils ne m’arrêtent pas ; Bamako a du perdre de son charme avec la poussière…Nom du père, de la mère, où je vais, pourquoi,…etc. Je crois que c’est plus de la curiosité et pour faire du zèle qu’autre chose. Lorsque j’ouvre mon portefeuille, ils remarquent la photo de ma carte de groupe sanguin, j’avais alors seize ans et les cheveux aux épaules. Ils me demandent si c’est moi et me dévisagent du regard. Ensuite, pour fayoter, je leur dis que j’ai très bien été accueilli au Maroc. Alors là, ils n’en peuvent plus, ils me souhaitent la bienvenue au pays et bonne route (j’aurai préféré bon vent car ici, j’en ai compris le sens !). Après les flics, une montée, pas très longue, mais vu que je n’ai rien dans le ventre, ajouté à la canicule, je trouve les kilomètres interminables. Ensuite, j’aperçois la ville ; on la croit à côté alors qu’il reste encore cinq kilomètres. C’est comme ça dans le désert vu qu’on voit très loin. J’arrive à Tan-Tan, il est dix heures. Je prends un petit déjeuner. Et, j’aperçois un club Internet alors je vais aller donner des nouvelles. Ça y est, je suis déjà encerclé de gamins et le gars ne veut pas que je rentre Bamako à l’intérieur. Il me dit « je surveille » et je m’installe face à la porte d’entrée. Je tape d’une main et surveille d’un œil. Le gars fait sortir plusieurs fois les gamins. Moi, je frappe un long message pendant 45 minutes, j’ai presque fini et, lorsque je vais pour cliquer sur envoyer, panne électrique générale et tout est effacé. Je suis dégoûté mais apparemment, ça doit être courant car personne ne s’affole. Je demande au gérant s’il y en a pour longtemps. Il me répond peut-être dix minutes, peut-être deux jours ou plus, ça dépend. Je voulais retirer de l’argent au distributeur, impossible. Un jeune qui répare sa mob vient me discuter et m’invite à venir boire le thé chez lui après manger. Je lui dis d’accord, s’il n’y a rien derrière tout ça. Pendant que l’on parle, un marmot d’une dizaine d’années me jette une pierre qui tombe sur Bamako. Le jeune donne l’ordre à un autre gamin pas plus grand que lui de le poursuivre. Ça dure dix minutes et il le ramène vers nous par l’épaule. Le gars lui met une dizaine de gifles que je n’aurai pas souhaité recevoir ! Et, fait incroyable, lorsqu’il le relâche, il reprend des cailloux à la main et nous menace ! Un français qui réside ici me dit que c’est viscéral chez eux : les gamins jettent des cailloux aux chiens, chats, ânes, tout ce qui bouge…Un moment après, je suis révolté, je m’aperçois qu’ils ont réussi à me subtiliser une gourde et à ouvrir ma sacoche arrière. J’en parle à un policier de passage, qui me conseille d’aller faire une déclaration au commissariat. C’est bon, j’ai compris et je fuis vite cette ville, direction Tan-Tan plage, où j’aimerai vraiment trouver un endroit pour me reposer. Ici, il fait très très chaud et il paraît qu’il fait souvent des orages impressionnants : il y a quelques jours, ils ont eu des trombes d’eau. Aujourd’hui, à force d’accumuler la fatigue et les nerfs, j’ai besoin que ça sorte. Alors, dès que je pourrais aller sur le Web, je pousserai un grand coup de gueule pour dire que j’en ai marre. Marre des cafards, du bruit, de la fumée d’échappement, des klaxons, des tajines, marre de recevoir des pierres, marre de me faire voler, marre de voir les ânes se faire tabasser, marre des Marocains… ! Ah, ça fait du bien ! Pour l’instant, les bons moments n’arrivent pas à compenser les mauvais. Je suis très déçu en rapport à l’idée que je m’en faisais. En camion, ils me font tous des signes d’encouragement et, sur le terrain, très peu sont conviviaux, si ce n’est par intérêt. A midi, je voulais manger dans un café conseillé par un guide. Le gars qui me reçoit refuse que je rentre Bamako. Il me désigne son gamin du doigt en me disant « il va te garder ton vélo ». Je refuse en lui disant que chez eux, il faut toujours payer les services. Alors, il va voir le cuistot et, bizarrement, il me dit qu’ils ne peuvent plus me recevoir, il n’y a plus rien à manger, c’est tout retenu. Bon, assez discuté, allons voir Tan-Tan plage. Nous sommes en plein après midi, il est 15 heures et une terrible montée nous attend, avec une chaleur à vous couper le souffle. Un tracteur monte en tractant une grosse cuve d’eau à l’arrière. Je lui fais signe de ralentir pour que je m’accroche derrière. Il me fait un signe négatif, j’ai compris, je dois me débrouiller seul. Au bord de la route, des dizaines de gamins se baignent dans des trous d’eau remplis par les derniers orages et transformés en véritables égouts, avec les décharges qui entourent la ville. J’arrive à Tan-Tan plage en fin d’après midi. Pas de camping. Je trouve un petit hôtel très très sale, ça sent le cafard à plein. Alors, aujourd’hui, j’ai vraiment envie d’un minimum de luxe pour me reposer de toutes mes péripéties. Je trouve enfin un petit hôtel tenu par un français, en bord de plage, d’un calme incroyable. Il me fait un super prix parce que c’est tout nouveau et en plus, d’une propreté dont j’ai perdu l’habitude. J’ai bien envie de passer deux jours ici, le temps de reprendre quelques forces et de réviser Bamako pour les jours suivants, qui risquent d’être assez durs. Dans l’hôtel, j’ai entendu aux dernières nouvelles que la ville de Casablanca est envahie par des rats qui leur apportent plein de maladies. Pas étonnant lorsqu’on voit la saleté qui règne dans ces villes. Hier, à l’entrée de la cité, il y avait un âne mort, en plein sur la chaussée certainement depuis deux ou trois jours. Et personne ne l’enlève. En quelques jours, j’en ai vu cinq dans les fossés ou sur la route, de même que les dromadaires en décomposition. Aussi, énormément de chiens abandonnés avec leurs chiots. On ne doit jamais tuer les petits alors ils doivent se débrouiller pour survivre. Il y en a de partout, ainsi que les chats, souvent à moitié estropiés par les voitures.

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    Lundi 7 octobre - Repos à Tan-Tan plage 

    Cette nuit, j’ai vraiment bien dormi. Des nuits comme ça, ça faisait longtemps que je n’en avais pas passées. Bon petit déjeuner, ça faisait longtemps aussi ! Je prends le taxi pour retourner à Tan-Tan car ici Internet est en panne alors j’espère que là bas l’électricité est revenue. Ça y est, au bout d’une demi-heure, la Mercedes est pleine (sept personnes), nous pouvons partir. En même temps, je m’achète un chèche de la même couleur que Bamako. Cette après midi, plage mais l’eau est glaciale. Quel contraste avec la température extérieure ! La plage de sable blanc est superbe mais de loin car, comme de partout, c’est en fait une décharge. Je ne prends même pas de photo car c’est très difficile de cadrer sans qu’il y ait un plastique ou autre détritus. Sur les cartes postales, il y en a moins !! Il faut faire très attention à ne pas se couper en marchant sur le sable avec les bouteilles cassées, boîtes de conserve ou autres objets qui traînent. Autour de la ville, sur des hectares, ce n’est qu’un paysage désolant de décharges sauvages. Je me mouille quand même car la chaleur est trop insupportable. Mais, une fois allongé, je me fais attaquer par une nuée de mouches. Alors, c’est bon, j’ai assez d’une journée ici. En plus, je m’ennuie et j’ai déjà envie de repartir. C’est sûr, je vais dire au patron de l’hôtel que j’ai changé d’avis et que je pars demain de bonne heure. Ce soir, je vais aller me ravitailler en eau et nourriture pour la prochaine étape.

    Mardi 8 octobre - Tan-Tan plage -> Akhfanir (98 km) 

     

    Je me lève à 6h30 ; je crois que j’ai pris trop d’eau et de provisions, les bagages sont hyper lourds. La vache à eau que j’ai achetée n’est pas terrible : lorsque je penche Bamako, elle se déforme et met tout le poids du même côté. Je peine à tout faire rentrer. Ça va, en roulant, ça ne se sent pas trop mais je fais très attention aux nombreux nids de poules car, avec le poids, je crois que ça serait fatal pour les jantes. J’ai aussi très peur que les porte-bagages ne résistent pas avec les secousses. J’ai oublié de vous dire que lorsque l’on part en vélo, l’obsession du poids vous oppresse de sorte que, depuis la France, à mesure que j’ai passé une étape, je déchire la partie de la carte dont je n’ai plus besoin ainsi que les pages du guide (surtout celui du Maroc, qui est très lourd !)….Eh oui !!! De même lorsque je me lave les dents et que je me savonne, je me dis que chaque fois, ce sont des centièmes de grammes qui disparaissent (mais alors là, c’est vraiment psychique !!). La route, pour l’instant, est assez plate et sans vent. Au bout de quelques kilomètres, nouveau contrôle de police : il me fait rentrer dans son cagibi et ne se presse pas pour s’occuper de moi. Ensuite, il me demande si j’ai déjà été contrôlé. Alors, content, je lui dis « oui ». Mais il me demande quand et là, malheur, je lui dis « il y a deux jours ». Si j’avais su, j’aurai dit « hier ». Alors, re belotte, reprise de tous les renseignements ; il est très étonné qu’on ne m’ait pas tamponné mon passeport à Tanger. Bon, je retente le coup de vanter l’accueil marocain et ça marche ! J’ai même droit à un verre de thé mais j’ai quand même perdu une demi-heure, moi qui ne voulais pas rouler sous la chaleur. Très beaux paysages, la route longe les falaises. Alors, d’un côté la Bretagne (sans pluie !) et de l’autre côté le désert infini. Je m’arrête souvent pour aller observer la mer. C’est superbe, beaucoup de campements de pêcheurs. A midi, je vois une vieille cabane écroulée au-dessus des falaises : je vais me mettre à l’ombre derrière pour manger. Plus loin, un pêcheur, qui pêche à la ligne d’une hauteur impressionnante. Je vais le voir. Il me dit « bonjour » et c’est le seul mot qu’il sait dire en français. Il me montre des loups de mer dans son panier tressé. Ensuite, il pose sa canne et me fait comprendre qu’il va manger. Je lui dis « moi aussi » et il me fait signe de le suivre. Il appelle son frère qui pêche plus loin. Nous faisons environ 500 mètres et je les suis. Ils descendent par une brèche et nous nous retrouvons dans une grotte perchée à 50 mètres au-dessus de l’océan ; c’est le paradis. Il me fait comprendre que son frère vit ici une partie de l’année. Il y a une grande corde qui relie l’autre falaise et où il accroche des filets. Ils prennent un poisson dans le panier, laissent les autres en plein soleil et le frangin se met à faire la popote dans une vieille gamelle. Il y a deux ou trois tomates, quelques oignons et tout se mélange avec le poisson. Je lui apporte une petite boîte de petits pois, qu’il met aussi  avec , et c’est parti. Une fois le poisson cuit, il me fait signe de me laver les mains avec l’eau qu’il me vide dessus avec une bouilloire et du savon. Il sort un pain rond marocain et nous mangeons tous les trois de la main droite en s’aidant du pain. Avec les braises qu’il reste, il fait le thé à la menthe et le tour est joué ! Tout s’est fait très simplement, en échangeant très peu de mots et c’était magique. Voici le vrai accueil africain. Ils avaient l’air très jeunes ; l’autre habitait dans le désert, avec sa femme. Ils m’ont bien fait remarquer qu’ils n’étaient pas Marocains mais des Sahraouies et que les Marocains n’étaient pas bons. Ils m’ont dit qu’eux aimaient le whisky et le vin, et qu’ils ne faisaient pas le ramadan. Rappelez-vous, l’autre jour à Tan-Tan, un autre m’avait dit « nous on est Arabes et pas Berbères, eux ne sont pas bien » Comment voulez-vous qu’il n’y ait pas de guerre ?! Après manger, nous nous sommes dit au revoir et ils sont retournés pêcher. Il m’en restera un souvenir inoubliable ; la seule ombre au tableau c’est qu’ils ont jeté la boîte vide de petits pois à la mer et ça, je m’y fais difficilement alors que pour eux, c’est un geste tout naturel. Ici, ils détestent les Espagnols, comme tous les pêcheurs car ils leur piquent leurs poissons ! Un des jeunes m’a fait voir avec le couteau sous sa gorge (Marocains et Espagnols comme ça). Je continue ma route avec toujours un point de vue superbe. La route est à environ 100 mètres de la mer et, de ce fait, la chaleur avec la brise marine est mieux supportable. 95 kilomètres et j’arrive à la première ville depuis Tan-Tan. Ensuite, la route s’écarte de la côte pendant plusieurs kilomètres et je n’ai pas envie de dormir en ville. Alors, je fais demi-tour jusqu’au premier campement de pêcheurs que je trouve, à environ trois kilomètres. Je vais tenter ma chance : je vois un black qui pêche au-dessus des falaises. Je lui parle, lui offre des madeleines et lui demande si je peux monter ma tente par ici. Il parle très peu français mais me dit oui. Ensuite, il me fait comprendre qu’il est dans une tente plus loin, avec un autre pêcheur. Il me montre, il y en a trois et il me fait signe que je peux monter la mienne à côté ; c’est ce que j’attendais ! L’autre vient nous rejoindre en mobylette, un grand costaud, impressionnant ; je l’avais vu toute à l’heure mais je n’avais pas osé l’aborder. Il me l’a dit plus tard « je t’ai vu toute à l’heure, pourquoi tu ne m’as rien dit ? » J’étais très gêné mais ça n’a pas duré car ils étaient vraiment sympathiques et très complices tous les deux. Ils me demandent si je mange le poisson avec eux, c’est du barracuda. Ils le préparent dans une grande gamelle, cuit à l’eau avec carottes, piments, tomates, herbes, etc.…Dans leurs espèces de tentes, faites avec des bâches et des vieux filets de pêche, ils ont tout ce qu’il faut. C’était très bon. Ensuite, le thé à la menthe. Et, le soir, ils repartaient à la pêche de nuit pour une autre sorte de poisson, à trois kilomètres d’ici, tous les deux sur une vieille mob orange, avec leurs grandes cannes ! Avant de partir, il me fait mettre Bamako à l’abri dans la troisième tente et font la prière. Ensuite, ils me disent que si ça mord ils restent toute la nuit sinon ils reviennent. Tous ces pêcheurs viennent ici pendant quelques mois lors de la saison de pêche. Certains habitent très loin. Le black habitait à Agadir, il se rendait à Tan-Tan en stop ou en taxi avec le poisson dans la glacière pour le vendre. Ah, aujourd’hui, j’ai vraiment passé une journée inoubliable. J’écris ces lignes de ma guitoune au bord d’un précipice avec le ciel plein d’étoiles et bercé par le bruit des vagues qui, ce soir, s’éclatent très haut contre la falaise (la mer est démontée). J’espère que le vent ne sera pas très fort car je n’ai pu planter aucun piquet, le sol étant très dur, j’ai du attacher les ficelles à des cailloux.

    Direction Agadir puis le Sud du Maroc

    Direction Agadir puis le Sud du Maroc

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    Direction Agadir puis le Sud du Maroc

    Mercredi 9 octobre - Akhfanir -> Tarfaya (102 Km) 

    Cette nuit, pas très bien dormi car le vent s’est déchaîné et j’entendais les vagues exploser contre la falaise dans un grondement impressionnant. J’avais très peur que la tente se déchire car ça la ballade dans tous les sens. Le matin, à 6h30, il pleut entre les bourrasques. Je me lève et commence à ranger. Un moment après, l’un des deux pêcheurs vient me dire bonjour et m’apporte son adresse pour que je lui envoie des photos. Il revient avec un énorme poisson et me demande si je veux le photographier avec. Ensuite, il me dit de venir boire le thé. Une voiture s’arrête sur la route : c’est le boulanger, qui fait Akhfanir -> Tan-Tan pour desservir les campements de pêcheurs. Le grand costaud apporte son poisson et le troque contre du pain tout frais (c’est ça le Maroc). Nous rentrons dans la tente pour le thé et nous trempons des bouts de pain dans un bol où il y a du miel mélangé à de l’huile d’olive. Il est déjà neuf heures et ce sont les au revoir. C’est parti avec un temps calme et pas trop chaud. Ça roule bien pendant une vingtaine de kilomètres. La route s’éloigne ensuite de l’océan avec des paysages différents mais encore superbes : des dunes de sable qui couvrent de plus en plus la nature et le bord de la route en débordant largement sur celle-ci, ne laissant quelques fois qu’un petit passage. Et puis, tout à coup, c’est la tempête de sable alors que normalement ce n’est pas l’époque. L’horreur : vent de face, je n’avance plus et le sable me cingle le visage ; jusqu’à 12h30 c’est comme ça. Je trouve enfin une vieille cabane écroulée et je m’abrite derrière pour manger mon sandwich et l’après midi, c’est reparti, toujours avec le vent de face et de travers. Je n’ai pas de chance car tout le monde m’avait annoncé qu’après Tan-Tan, j’aurai le vent dans le dos. Hier, il n’y en avait pas et aujourd’hui, ce n’est pas un vent normal. 70 kilomètres et je retrouve le bord de mer avec un vent violent de travers. Le compteur n’avance pas. Et, lorsque vous voyez un panneau Tarfaya 40 kilomètres, que vous faites 4 kilomètres et que là, vous retrouvez une borne encore marquée Tarfaya 40 kilomètres, il y a de quoi vous couper les jambes. 100 kilomètres, il est 18 heures et je suis à 7 kilomètres de la ville. Ça se voit au Maroc lorsque l’on s’approche d’une cité car le paysage devient une décharge sur plusieurs kilomètres. Je n’ai pas envie de dormir en ville alors je cherche un coin côté plage. Mais impossible d’y aller car la tempête a mis du sable partout et on s’enfonce au moindre pas. La nuit commence à tomber et, heureusement, plus loin, de l’autre côté, je vois un grand mur en pierres à moitié écroulé, loin de la route. Alors, j’essaie de passer Bamako et ça roule. Je monte la tente derrière, à l’abri du vent, et me fais une bonne purée déshydratée. Sur la route, aujourd’hui, les quelques routiers Marocains qui transportent le poisson depuis Dakhla me klaxonnent tout en me faisant signe du pouce, pour me dire bravo. En revanche, les quelques 4x4 ou campings cars français ne font pas cas de moi. A mon avis, si tu es dans la merde dans le désert, je me demande si tu peux compter sur eux.


     

     

     


     


     

     

     


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